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outfit ]
roses blanches. elles redessinèrent le galbé d’une tristesse éteinte,
escamotée sous le maquillage maîtrisé de faux sourires et faux rires. Roses blanches — l’amas de chagrin qui teintant les pores de blanc enseveli les veines de glace, les pores devenant acier, les genoux faiblissant devant la tombe de celle qui n’aurait jamais dû partir ; jamais si tôt. ((
mina. )) que son manque était présent à tout instant, à toute seconde, qu’il ne pouvait oublier celle qui l’avait profondément materné et qui s’était
assassinée sous le poids de l’anxiété.
Les doigts frôlent le courbé de la tombe, les herbes folles sont chassées, en silence, car rien ne peut réconforter un cœur si esquinté et aucun mot ne semble être créé en cet instant pour soulager ce silence compagnon. Les minutes s’écoulèrent, dégoulinantes, il ne su combien de temps il resta là, il ne su réellement à quel moment Elijah le traîna ailleurs, quand est-ce que le taxi avait été appelé et quand est-ce qu’il avait grimpé à l’intérieur. Tout fût comme une ellipse, passagère, comme une absence de conscience, comme si une partie de lui avait été arrachée pour que la réalité elle soit moins dure à accepter. Puis enfin, Lieven revint sur terre, l’atterrissage moins brusque lorsqu’il ressentit le petit doigt intimidé s’enrouler autour du sien. Ce simple geste brûla son derme, son corps entièrement glacé s’apaisa de cet unique toucher mais il n’osa pas, pas sur le coup tourner la tête et le regarder. Les sentiments étaient embrouillés en mêlasse, il ne su sur quoi se concentrer en premier alors plutôt que de prendre le temps pour effilocher sa bobine enroulée, il préféra regarder par la fenêtre et somnoler.
Puis lorsque le taxi s’arrêta finalement, sa silhouette fut traînée en extérieur, son regard éblouit par les couleurs chaudes des bâtiments et la chaleur agréable enveloppant son être entier. Ici, les bruits de la ville étaient moins nombreux, on entendait que le doux chant de l’eau s’écoulant à quelques mètres d’eux. C’était un
El Dorado. Le leur, finalement. Soudainement, le tracé de ses expression changea, la neutralité du chagrin devint étonnement, les sourcils se froncèrent légèrement, comme s’il eut été pris d’une émotion si forte, si bouleversante qu’elle avait chassé toute les autres et les avait englouties. Tout était là, suave et salvateur, comme un
remède. De leur ballade à sa compagnie, de l’atmosphère et du bruit de l’eau à la sonorité de sa voix. Et bien qu’avant, d’un trait étonnement pessimiste il avait cru que rien ne pourrait calmer ce brin de solitude dévorant son plexus solaire, il s’était trompé. Agréablement trompé.
mais c’était effrayant...
il avait peur de tout foirer.
Ainsi comme si le silence eût été la réponse aux innombrables questionnements de ces phrases, comme s’il en fût la ponctuation et l’aisance d’intonation, il ornementa naturellement la suite de leur discussion. Il ne su comment l’éviter Lieven, comment l’esquiver en prononçant tout ce qu’il aurait pu penser mais qui aurait sonné tôt ou tard maladroit et blessant, car il peinait encore à être pleinement tendre à ses côtés. Il ne su comment prononcer un délicat
merci, comment accentuer à la suite ce sentiment presque trop merveilleux qui le prit, naturellement, l'emmitouflant dans un cocon de bienveillance. C’était si étrange, de basculer d’une émotion à une autre en si peu de temps, de se sentir perdre pleinement tous ses moyens, de seulement rester là, à le regarder, chercher les bonnes paroles et les bons regards.
Pour finalement se rappeler qu’il n’était bon qu’en étant authentique. Alors, à ce moment-là plus qu’à un autre, à cet instant-là, pour la première fois sa main remonta saisir la sienne en pleine conscience. La chaleur de sa paume irradia la sienne, leurs doigts se frôlèrent avec suavité, il saisit simplement l’extrémité des plus longs, cherchant à se donner confiance.
« Je... » Premier essai désordonné, aussitôt abandonné, aussitôt délaissé lorsque ses crocs plongèrent dans la chaire de ses propres lèvres. Tout était tellement plus simple par écrit, lorsqu’il pouvait aligner ses pensées, imaginer chaque ressenti en se protégeant de le ressentir à la même intensité. Tout semblait si clair, si aisé, si maîtrisé lorsqu’il le créait pièce par pièce dans des poèmes ou des extraits de romans. Toutefois en vrai, dans la spontanéité, lorsqu’il s’agissait de lui, il peinait tant à exprimer pleinement son amitié avec moins de fierté, plus de justesse. C’était comme si Elijah le faisait être
la meilleure et la pire version de lui-même, le tout à la fois, dans des éléments et teintes si contraires qu’il se perdait dans son propre raisonnement. Une seule chose semblait
juste cependant,
une seule, au combien elle ne soit pas si habituelle entre eux. Tout doucement, Lieven passa un bras derrière sa nuque, l’enlaçant soudainement, maladroitement mais aussi si sincèrement qu’il ne pu s’empêcher de l’étreindre davantage, légèrement plus petit que lui. Il huma son parfum quelques micro-secondes, finissant par susurrer :
« C’est parfait ainsi, merci. » Et cela soulageait tellement, de ne plus être plongé dans le deuil et le décès, d’oublier que de l’autre côté de ces fleurs blanches qu’il ne cessait d’apporter il y avait tant d’autres choses, tant de belles choses.
Qu’Elijah avait pensé à lui.Petit à petit, Lieven se détacha, ne délaissant que délicatement son pouce caresser l’intérieur de sa paume, pour couper ensuite tout contact. Ce soudain acte de spontanéité le surprenait également, il sentit son visage prendre des teintes d’un rose clair, remerciant le ciel de ne pas être aussi blanc que son meilleur ami. Rares étaient les fois où il était gêné auprès de lui, mais elles étaient si perturbantes qu’il priait chaque instant pour ne jamais les vivre tout en sentant son corps entier quémander une nouvelle dose d’adrénaline.
« Je ne suis jamais venu ici. J’en ai jamais eu l’occasion avant aujourd’hui. » Qu’il rassurait de sa voix plus onctueuse et moins grave, presque enfantine, alors qu’il tendit sa main à nouveau, voulu saisir la sienne, mais s’effrayant du contact il le cessa aussitôt.
« Eli’ je... suis vraiment content. Merci. » Sa large paume se recueillit auprès de ses propres lèvres, ses joues s’empourprèrent une seconde fois, bien plus intensément encore lorsque ses mèches se collèrent auprès de son front. Son myocarde s’accéléra sous la flatterie de l’instant, il perdait l’équilibre, c’était une sensation si déstabilisante que le silence cloua pendant de nombreuses minutes ses lèvres l’une contre l’autre. Toutefois, lorsque leurs regards se croisèrent enfin, le poids de ses craintes s’allégea et il attrapa timidement son poignet.
« Allons-y ! J’ai hâte de monter sur une barque, j’y suis allé qu’une seule fois et j’ai manqué de tomber. Puis il fait vraiment beau, aujourd’hui. » C’était comme s’il revivait, s’il respirait à nouveau après avoir retenu son souffle des heures durant. Lieven avait envie de passer ce moment avec lui, de le rendre aussi heureux qu’il n’avait pu le rendre à l’instant. Les pas se précipitèrent le long de la petite rue, il s’arrêta enfin dans l’attente d’une barque, discutant avec un des hommes en charge pour finalement oser mettre un pied au dessus. Il était maladroit Lieven, bien trop pour ne pas perdre l’équilibre, risque de tomber dans l’eau car son pied c’était mal positionné. Sur le moment il se raccrocha au bras de l’inconnu, dans une posture enfantine n’allant pas de paire avec son faciès mature. Ce ne fut que lorsqu’il se sentit suffisamment stable qu’il le relâcha, présentant mille et une excuses une fois assis.
« Je suis vraiment désolé, j’ai honte... Eli’ fais attention, c’est hyper dur de monter là dessus. Allez viens, donnes ta main. » Aussitôt il lui tendit la sienne, délicatement, dans l’image princière des contes de fées que Mina lui lisait, plus jeune.