L’esprit vif, les dernières esquisses qui prenaient forme sur son cahier de dessin, c’est comme si le temps s’arrêtait quand il entrait dans son monde. Comme si rien ne pouvait perturber sa quiétude, malgré sa perpétuelle agitation. Mais Alex, il avait trouvé dans sa passion, le moyen de maîtriser ce brasier qui brûlait en lui. Ses doutes, ses innombrables disputes à propos de sa nouvelle indépendance. Le besoin de devoir se justifier de tout, et de rien à la fois. D’entendre ces mêmes remarques cinglantes, mais son sourire comme simple réponse, trop fier pour montrer quand les mots le touchaient, trop fier pour s’avouer vaincu.

Sa cigarette accrochée à ses lèvres désabusées, il attendait Nyx, patiemment dans son salon, ses affaires qui ornaient sur la table à manger, sa respiration comme simple écho. Toujours cette même appréhension avec elle. Des disputes, des mots tranchants, contrastant avec la réalité de leur relation. Parce qu’en réalité, cet attachement, cette ambiguïté, Alex, il était conscient que ça les poussait au chaos. A ce besoin inexorable de se déchirer. Mais ce soir, il espérait avoir un peu de répit. Avant une énième dispute. Avant des mots prononcés qui dépasseront leurs pensées. Il sort de sa douce torpeur quand il entend frapper à sa porte, sa démarche nonchalante et sa cigarette accrochée aux lèvres.  Il lui ouvre la porte, son regard qui la toise. “T’as pas oublié la monnaie d’échange pour l’séjour.” Il dit en s’écartant pour la laisser entrer, refermant la porte après eux, écrasant sa cigarette dans un cendrier, prêt à goûter aux délices de cette drogue à laquelle il était bien trop accoutumé.

@Nyx Graves    

Le cœur déchiré, Nyx, elle foulait les pavés de la cité des anges, à la recherche d'une lumière, de louanges auxquels son âme en avait été exclus depuis le début. Bancale, à la ramasse, c'était avec le visage tiré dans des traits misérables qu'elle s'était demandée quoi faire, le mascara ayant tâché ses joues pâles. Elle avait plus rien, même la musique, son havre de paix, l'avait laissé sur le bas côté d'un quais qui ressemblait à son propre Enfer. Puis, au travers de ses larmes amers, elle avait songé à Alex, son envie de le revoir, de s'expliquer, elle-même ayant à l'esprit le nombre de mots qui l'avaient écorché à la minute même où elle les avait expié. Elle regrettait. Parce qu'avec lui, son cœur faisait aucun rejet. Parce qu'avec lui, elle se sentait vraie. Mais c'était trop compliqué d'éprouver, surtout là alors qu'elle était plus bas que terre. Alors, en ravalant un peu sa fierté, elle s'était ramenée jusqu'à sa porte d'entrée, posant les sacs qui tombaient à ses pieds. Elle avait emporté le principal, sa guitare, ses écrits, quelques habits, et le reste elle l'avait laissé à sa famille qui en garderait son souvenir maudit.

Elle frappa sur le bois, réajustant rapidement les marques de maquillage qui avaient roulé dans la douleur, gardant cette mine nonchalante qui frôlait l'arrogance quand elle croisa ses prunelles qui arboraient comme à leur habitude, cette lueur fière.

- Merci moi ça va. J'espère que toi aussi.

Qu'elle ajouta en roulant des yeux, presque amusée par leur manière de se saluer alors que son monde venait de s'écrouler. Elle entra dans son logement, posant ses sacs dans un coin avant de sortir de la poche de sa veste en cuir, un pochon avec du cannabis.

- J'espere que tu vas me proposer à boire quand même ? J'en ai besoin.

Elle connaissait les lieux à force, sa manie de laisser les esquisses de son talent en évidence, lui qu'elle avait toujours soutenu dans sa prise d'indépendance. Elle s'installa sur le canapé, ouvrant le sachet pour commencer à rouler un joint dans du papier à cigarette.

- J'aimerai te dire que tu m'as manqué. Mais j'suis pas encore assez defoncée.

Elle le provoquait un peu, s'enlisant dans un jeu dans lequel elle risquait de regarder ses ailes prendre feu.

@Alex Rosa

Avec Nyx, c'était tout ou rien. C'était les éclats de rire ou les éclats de colère. Une phrase, un mot, suffisait pour renverser la situation. Et cette hyper sensibilité, quand ils étaient ensemble, les ravageaient. Les déchiraient. Alex, il était incapable d'expliquer cette raison qui les poussaient à ce déchirement. Incapable de mettre de mettre des mots sur leur relation. Et il préférait se voiler la face, encaissant ses reproches, ses mots blessants, de son sourire le plus fier. Et à chacun de ses reproches, il y répondait avec la même colère, la même véhémence. Peu enclin à la préserver, parce qu'elle se contrefichait Nyx de son état d'esprit. De sa capacité à gérer ses reproches, parfois infondés. A croire qu'ils cherchaient des prétexter pour se déchirer.

Mais ce soir, il n'avait pas envie. Il voulait simplement être là, lui changer les idées. Se laisser emporter par les bouffées enchanteresses de leur drogue à eux. Et quand elle arriva, il chercha le graal, monnaie d'échange pour se hisser dans sa forteresse. Il souriait à ses mots, refermant la porte derrière elle. "Je pensais que toi et moi, on s'encombrait pas avec les banalités."

Il l'observait, un brin amusé, se rendant dans la cuisine pour aller chercher des bières. Il lui en tendit une, avant de la rejoindre sur le canapé, se malaxant les paupières. Reportant son attention sur elle, il rit légèrement à ses mots. "Tu viens pas de l'avouer à demi-mot là?" Alex, il connaissait leur capacité à se dévoiler l'un à l'autre. Trop fiers, peut-être trop pudiques. Prétextant que la drogue adoucissait leur personnalité alors qu'elle rendait simplement compte de ce qu'ils ressentaient vraiment.

Il l'observe rouler, s'adossant au canapé. "Tu veux m'en parler de ce qui s'est passé ? Ou tu préfères jouer la carte de l'indifférence?" Souvent maladroit, Alex, il tentait d'être présent. D'être là pour elle, peut-être qu'elle souhaitait lui en parler. Il connaissait sa faculté à jouer des apparences en prétextant qu'elle allait bien, alors même qu'elle était blessée. Parce qu'ils se ressemblaient. Peut-être parfois trop.  

@Nyx Graves  

Elle avait joué, elle avait perdu. Elle avait toujours su que ses déboires allaient la rattraper, comme le verre de trop à la fin d'une soirée, Nyx, elle était toujours de celle qui en voulait toujours plus, tout ça pour mieux noyer ses pensées. Elle avait mal, mais elle avait cette impression que cette même douleur avait fini par anesthésier son cœur. Et elle ne ressentait plus rien, juste le vide béant d'une vie haletante, laissée à l'abandon à cause de ses comportements. Elle avait plus qu'Alex. C'était trop souvent le cas, d'ailleurs. Lui qu'elle malmenait souvent dans ses changements d'humeurs extrêmes, dans ses plaies beaucoup trop ouvertes, lui à qui elle s'accrochait dès qu'elle avait le sentiment de perdre la tête. Il était toujours là, et elle se demandait souvent pourquoi, parce qu'elle ne le méritait pas.

Elle sourit à sa remarque lorsqu'il ouvrit la porte, incapable de le contredire parce qu'il avait raison.

- T'es pas une banalité toi pourtant même si parfois, je montre le contraire.

C'était de loin celui à qui elle s'intéressait le plus avec son frère même si elle montrait l'inverse, trop fière pour avouer ses faiblesses. Elle s'installa tandis qu'il s'était absenté dans la cuisine, secouant la tête à sa remarque pour user de sa mauvaise foi légendaire, prenant en main sa bière qu'il lui tendait.

- Pense-le si ça peut te faire plaisir, j'sais que t'aimes avoir mon attention.

Elle le regarda de manière taquine, presque trop tendrement pour la déchirure qu'elle portait à l'intérieur de sa cage thoracique. Mais avec Alex, c'était toujours le calme ou l'anarchie. Elle roulait, tentant de se concentrer sur ses gestes pour ne pas penser à ce qu'il lui demandait, de ressasser tout ce qui la pourissait.

- Viens fumer déjà.

Elle l'invita à côté d'elle, lui montrant d'un regard la place libre sur le canapé, sa main portant le joint à ses lèvres pour l'embraser, tirant une bouffée dessus avant de le tendre à Alex pour qu'il puisse en profiter.

- J'ai plus de groupe. Plus de famille non plus. Mon père m'a fait comprendre qu'il voulait plus entendre parler de moi à cause de... D'une pauvre histoire de coke que j'ai pris avec une pote un soir. Et mon groupe, pareil.

Elle tentait de dédramatiser son ton pour montrer l'étendue de son injustice, son regard trahissant tout de même les lambeaux de son âme meurtrie.

- Pourquoi t'es là, toi ? Pourquoi t'es pas comme eux ?

Elle prit le joint pour retirer une bouffée, son regard sondant ses orbes, les siennes brillants dans ses émotions qu'elle aurait voulu voir mortes.

@alex rosa

Il l'observe silencieusement Nyx, tentant de percevoir son désarroi, qu'elle masquait sous ses grands airs. Mais il savait comment elle fonctionnait Nyx. Parce qu'elle était comme lui. Une fierté mal placée, qui les poussait à se déchirer plutôt qu'à se confier. Parce que c'était plus facile de cracher sa haine, que de se confier sur leurs plaies béantes, qui les rapprochaient. Ces maux qui les habitaient et avec lesquels ils vivaient constamment.

Alex, il la comprenait Nyx. Parce que les doutes qu'elle rencontrait, il les connaissait ou les avaient connu. Ce besoin inexorable d'adrénaline qui l'avait poussé dans des sentiers battus. Des disputes constantes avec son père. Des reproches. Toujours les mêmes. Qu'il avait fini par assimiler, sans presque que ça ne le touche. Il l'observe la belle, un sourire qu'elle réussit à lui décrocher, ses sourcils qu'il fronce, surpris par ses confidences. "Il t'arrive quoi ce soir? T'es à fleur de peau."

Il percevait sa tristesse, dans ses orbes tristes. Il restait silencieux quelques instants, de peur de dire le mot de trop, de la faire fuir, parce que Nyx, elle était imprévisible. Elle pouvait très bien partir aussi vite qu'elle n'était arrivée. Il la rejoignit sur le canapé, soupira, avant de prendre le joint qu'elle lui tendait, pour en tirer quelques bouffées, l'air songeur en écoutant ses quelques confidences. Il gardait le silence quelques instants, la regardant, cherchant les bons mots pour la réconforter. "Je suis désolé. Pour ton groupe et ton père." Il tirait une dernière bouffée salvatrice avant de lui tendre le joint à nouveau. "Qu'est-ce que tu foutais à prendre de la coke Nyx.. C'est une connerie ce truc. T'en sors jamais après." Il connaissait Alex. L'addiction à la drogue dure. Parce qu'il y avait déjà goûté et il connaissait la sensation de manque, constante. "J"sais pas qui c'est ta pote en question mais un conseil, change de potes aussi." Il l'observait une dernière fois, s'adossant un peu plus contre le canapé, sa bière entre les mains.

Songeur, Alex, il sortait de sa torpeur, surpris par les mots de Nyx, posant son regard à nouveau sur elle. Alex, il n'avait pas de réponse à sa question. Parce que parfois, quand les doutes s'immisçaient, quand les disputes étaient trop fréquentes, il voulait tout plaquer. Mais il était incapable comme si un fil invisible le liait à Nyx. "Parce que j'imagine que je suis juste différent, c'est tout." Incapable de mettre des mots sur quelque chose qu'il ne saisissait pas. Il prit une énième bouffée, l'esprit ailleurs. "Et que j'ai pas envie de t'abandonner. De te laisser. Si je suis pas là, il reste qui?" Il pose sur son regard sur elle, haussant les épaules. Incapable d'en dire plus, se contentant de garder le silence, le regard détourné de ses opales tristes.

Les plaies à vif, Nyx, elle rongeait ses remords pour les dissimuler sous son masque impassible, bien consciente que celui se briserait sous peu sous le regard d'Alex, lui qui semblait sonder son âme sans qu'elle n'ait à ouvrir son être. C'était trop facile pour lui de lui soutirer la vérité, et Nyx, elle se sentait souvent désarmée face à toute cette réalité qu'elle espérait toujours cacher, affaiblie par son attachement qu'elle n'avait de cesse de refouler, comme pour mieux renforcer sa carapace brisée. Elle était à fleur de peau, la succube, sous ses airs fiers bien qu'abattus, le charme s'écoulant de ses traits tirés par la force de son arrogance qui lui conféraient une confiance déchue.

- Moi non plus j'me reconnais pas.

Elle rit, d'un rire sans joie, attristée par cette vérité qu'elle ne maîtrisait pas. Pourtant, Nyx, jamais une seule fois elle n'avait pu admettre qu'elle appréhendait sa personnalité excessive, l'imprévisibilité exutoire qui l'aidait à contrôler l'incontrôlable. Nyx, quand elle se perdait, elle s'énervait, elle rejetait, elle niait, se battant contre vents et marrées pour se prouver à elle-même qu'elle avait toujours les pieds sur Terre quand son âme, elle, errait en Enfer. Assise sur le canapé, elle but une gorgée de sa liqueur dorée alors qu'Alex admettait qu'il était désolé. Elle aussi. Beaucoup plus que sa fierté ne voulait l'admettre au travers des tendres effluves du rêve qu'elle faisait valser près de ses lèvres.

- J'ai plus de raison de m'en sortir, Alex. De toute façon, c'est trop cher pour moi maintenant la coke. Toutes les bonnes choses de ma vie sont devenues hors de ma portée.

Parce qu'elle n'aurait jamais eu l'intention d'arrêter si l'argent n'avait pas été un frein. C'était surement un mal pour un bien, même si dans le fond, elle savait qu'elle allait se donner les moyens d'assurer la continuité de ses vices, l'esprit déjà accablé par une addiction morte-née.

- C'est fait. A l'instant même où j'ai appris qu'elle s'était barrée par lâcheté, c'était déjà plus ma pote. J'ai juste été conne de lui avoir fait confiance, ça m'apprendra c'est tout.

Elle but une gorgée, puis une autre, sa main venant juste après porter à ses lèvres le joint pour se faire du bien, Nyx, elle avait un appétit, un besoin d'oubli à assouvir. Elle lui retendit le papier roulé et chargé de Cannabis, ses orbes tristes sondant les siennes alors qu'il semblait réfléchir, elle-même ne sachant même pas ce qui les liait vraiment.

- T'es pas censé rester juste parce que j'ai personne, Alex.

Elle soupira, baissant son regard sur ses mains qu'elle joigna, avant de redresser ses prunelles déjà rougies par l'alcool mêlée au cannabis.

- Est-ce que du coup... Je pourrais rester ici quelques semaines... ? Le temps que je trouve quelque chose, un boulot, un toit... J'serais sage.

Elle sourit en coin en réfléchissant à ses mots.

- Enfin, j'essayerai. Je ferai des efforts. Et que pour toi. J'ai pas envie que tu me laisses toi aussi, Alex. Je me sens bien avec toi, je crois.

Elle peinait à s'ouvrir, mais les substances l'aidaient à se dévêtir de tous ses mécanismes défensifs.


@alex rosa