Paupières indisposées à le laisser s’éteindre quelques heures. Gravier enlisé dans les os, noyant le navire déjà coulant dans l’eau. Articulations cabossés et rouillées sous l’excès d’épuisement ayant enroué le timbre de voix. Il ne fût qu’une marionnette ne fonctionnant pas. Crocs meurtriers dépeçant sa propre lèvre précédemment hydratée de baume, dans sa contradiction lunaire, traiter pour mieux mordre devenait une sainte habitude naturelle. Sa gorge fut sèche, assoiffée comme le désert à qui on aurait arraché le saint Nil et malgré l’étreinte doucereuse des doigts désormais chauds autour de peau du cou, sa lyophilisation manqua de l’asphyxier dans son faux sommeil. Encore. La bataille faisait rage en son conscient inconscient, les pensées virevoltaient et s’exaltaient armés de colère — ou n’étaient-elles qu’armées de sabres plantés en ses nerfs — ; froissant davantage plus la chemise ébène lorsque timidement les doigts vinrent à s’y crisper. Il n’y avait rien à faire, Lieven avait beau se débattre, fuguer dans des draps de soie, s’enfermer dans le mutisme et l’obscurité, rien ne lui amena la calme et la plénitude du sommeil. C’était bien cela le plus irritant, de se laisser déstabiliser par des disputes incessantes, s’agacer pour des enfantillages et stupidités, puis s’en vouloir en fin de compte, après de trop nombreuses heures à lui infliger la faute, en se disant qu’il avait pour sa part peut-être été trop orgueilleux. La pensée n’était toujours que passagère cependant, elle s’annihilait d’elle-même, tuée par sa fierté meurtrière. Alors, il ne tenta plus de se lorgner d’espoirs désespérés auquel lui-même ne pouvait y croire et presque trop las, le corps endormi mais l’esprit trop vif lui indiquant à nouveau de s’esclaffer en une crise passagère, il sortit du lit, puis passa une main sur son visage assombri par la rage.

[ ra — ge]
mot trop fort pour le trop faible.
ce n’était pas la rage, mais l’irritation.

D’avoir été bloqué par un premier puis heurté par un deuxième. Ses relations avec les deux ne s’étaient résumées qu’en des contacts rapides par messages éphémères, mais ils avaient les deux à leur tour réussi à pourrir sa journée et sa nuit entière. Lieven était vidé. Usé non pas jusqu’à la moelle mais sachant que sa chaire avait déjà été bien entamée, que l’aggravation de la maladie de son père, il ne pouvait pas le révéler au cadet de manière précipitée. Alors il la portait, presque comme une promesse — cette pécheresse — faite, bien qu’il n’eut jamais accepté ni prononcé ces mots. Il la portait comme il avait tout porté auparavant et comme il porterait tout le reste à la suite, sans alarmer, sans se craqueler. Car qu’importe le nombre de fois où on pourrait le mettre à terre, jamais on ne l’enterrerait en vie. Il se relèverait toujours, encore et encore, le menton trop haut et les étoiles du ciel ancrées sur les omoplates. Pourtant cela ne leur faisait pas mal d’essayer. Comment avait-il osé le bloquer ?

Après de trop nombreuses minutes, Lieven sortit de sa chambre, refermant la porte derrière lui en sachant que Zeus se trouvait déjà dans le salon et ne l’avait pas suivi. La présence d’Eren avait été déstabilisante, pour tous et toutes, même pour lui et il ne doutait pas un instant que même son compagnon canin se retrouvait affolé par la présence simultanée des lames jumelles. Pas à pas, ne s’autorisant pas de traîner bien que l’envie fût présente, il rejoignit le salon, puis s’avança vers la cuisine en des pattes de velours — orientés en sachant qu’Eren était éveillé. Il l’avait entendu crier bien qu’il ne s’était pas de suite activité pour le rejoindre. Il l’avait senti, ce malaise étrange qui l’avait perturbé. Alors, l’ainé ne fût point surpris de le retrouver dans la cuisine, une certitude en aluminium à la main formant une poutre à laquelle il se servait pour se raccrocher. Il ne le savait pas déjà apte à utiliser ses béquilles. « Tu ne devrais pas te promener sans ta chaise, si tu forces ton corps maintenant tu prendras encore plus de temps pour guérir. Et tu le sais. » Sa voix ne s’éleva qu’à peine, elle ne s’élevait que très rarement pour ceux ne l’attisant pas. Lui n’était que trop persuadé qu’il utiliserait trop d’énergie inutile à crier, alors qu’il pouvait simplement parler dans une sonorité basse en faisant ronronner ses cordes vocales. Se déplaçant instinctivement jusqu’à l’armoire favorite, Lieven ramassa un sachet de thé à la camomille qu’il commença à préparer sans jamais se retourner vers lui. Telle était la force de leur liaison fraternelle, se sentir mieux qu’ils ne se comprenaient. « Je t’ai entendu crier de ma chambre, certes elle est à côté mais c’était assez audible. » La cuillère tournoya dans sa tasse et le liquide bouillant, il effleura deux fois le cadran-lumière décoré de quelques traces représentant Paris et la Tour Eiffel jusqu’à ce que la lumière soit juste assez pour qu’ils puissent se contempler eux et leurs visages ombrés par la demi obscurité. « Alors ? Je t’écoute. Ne me dis pas que ce n’est rien, car rien, ça ne fait pas de bruit pendant la nuit. Je n’ai vraiment pas envie de me prendre la tête avec toi ce soir, j’attend la vérité. » L’irritation déjà présente et pourtant maîtrisée pour ne pas se voir si se sentir, sa tassé fût portée à ses lèvres lorsqu’il se retourna, lui faisant finalement face. Attendant les confessions.

@Eren S. Yoon || LE PLUS DOUX  

Cauchemars qui hantent mes nuits depuis quand exactement, depuis que je suis né en fait. Souvent, je me retrouvais dans le lit de Lieven pour qu'on puisse se rassurer ensemble. Je savais que lui aussi, il dormait. Entre jumeau, c'était notre objectif de se soutenir ainsi.Cauchemars qui hantent mes nuits depuis quand exactement, depuis que je suis né en fait. Des triplet, comment avait, il put vouloir nous séparer, nous demander de choisir alors que normalement, il n'aurait pas dû y avoir besoin de faire un choix. Nous séparer, nous avait fait encore plus de mal, bien plus qu'ils ne le pensaient. Me retrouvant seul dans une chambre, sans eux pour me consoler, me rassurer en disant que ce n'était que des cauchemars. J'avais dû trouver un autre moyen pour dormir, faire taire ses voix ou encore ses sombres pensées. Alcool, drogue, sport, toutes les raisons étaient bonnes pour oublier, ne plus y penser. Puis d'autres émotions étaient apparu, ce sentiment d'abandon, la colère, la frustration. Trop de calme dans cette nouvelle maison, nouvelle famille et pourtant, ils me manquaient tous. Lieven ou encore Heaven, mes frères, les seuls qui me connaissaient par cœur. Je ne pensais pas que cette séparation pourrait nous éloigner de la sorte. Surtout, avec Lieven, on était devenu comme des ennemis et même si je ne laissais rien paraître, je souffrais intérieurement. De leur absence et les cauchemars étaient devenu beaucoup plus présent. Une habitude à force, mes nuits qui se faisaient de plus en plus courte.

Encore une fois, ce soir, je n'échappais pas au cauchemar, mais malheureusement, cette fois, je n'avais pas ma drogue pour détendre mon corps. Quand j'étais à l'hôpital, je pouvais abuser des médicaments, mais plus maintenant. Libre comme l'air, les messages de cet homme qui me livrait à chaque fois. Quand j'étais à l'hôpital, je pouvais abuser des médicaments, mais plus maintenant. A la place,je me levais pour me diriger jusqu'à la cuisine. Difficilement, mais je finissais par l'atteindre. Manque de drogue, le fait que je ne sois pas chez moi, beaucoup de chose avait perturber ma tranquillité et pourtant le psy qui me suivait avait bien dit qu'il ne fallait pas changer mes habitudes. Et là, tout était chamboulé, il y avait même ce chien. Je n'aimais pas forcément les animaux, car un simple regard noir ne suffisait pas pour les éloigner. Et là, tout était chamboulé, il y avait même ce chien. J'étais sauvage autant avec les humains que les animaux. Attrapant un verre d'eau, perdu dans mes pensées.

Je sursautais alors que j'entendais sa voix, me retournant découvrant sa présence qui ne me surprenais même pas. Lieven ressentait beaucoup de choses, même quand j'allais mal. Avant on n'avait pas besoin de parler, il devinait quand je n'allais pas bien. J'avais l'impression que ça faisait une éternité qu'on n'était plus comme ça. "J'en ai marre d'être en fauteuil roulant." Et oui il avait raison , j'allais me faire tuer par mon kiné, mais Lieven le savait bien, j'étais têtu et ça n'allait pas changer. Verre à la main continuant de le regarder en soupirant alors qu'il m'avait entendu. "C'était un cauchemar, ça ne change pas de d'habitude, tu sais." Pour une fois on se parlait calmement, de toute façon je n'avais pas envie de crier, trop épuiser. On c'était déjà pris la tête aujourd'hui, je n'avais pas envie. Et tout le monde dormait , je ne voulais pas les perturber plus que ça avec ma présence déjà. Prenant une tasse pour me servir un thé, si ça pouvait me détendre, même si un cachet en plus serait d'une grande aide. Tournant la cuillère , le visage qui fixait ma tasse. " Lieven, tu sais bien, que je fais des cauchemars depuis toujours, ça ne change pas. "Et toi alors, pourquoi tu es réveillé? J'avais revu ce visage, si doux, qui me manquais, sa douce voir. Notre sœur, si protectrice et je n'avais pas pu rendre l'appareil. Encore une fois, il y avait eu du sang, des larmes , de la peur. Mais ça je n'en parlais pas, non je gardais ça pour moi. Croisant les bras, ma tasse dans la main. "Et toi alors, pourquoi tu es réveillé?" Oui encore une fois je fuyais mes soucis, préférant savoir pourquoi lui aussi il était debout en plein milieu de la journée. Essayant de me soutenir contre le meuble. Mais je commençais à faiblir. Je prenais mes béquilles pour aller jusqu'au fauteuil tombant dedans grimaçant. "Tu peux me donner ma boîte de cachet dans le meuble s'il te plaît." Surprenant, on ne se disputait pas, combien de temps ça allait durer? Bonne question.

@Eren S. Yoon || LE PLUS DOUX