Merde, fuck, j’avais complètement zappé. J’range mon portable dans ma poche de jeans arrière et glisse vers le creux d’la piste. « J’dois y aller, mon frère m’attends à c’qui paraît. À demain ! » J’prends de l’élan, traverse le skatepark et saute pour retourner sur le chemin classique. J’embarque mon sac à la volée avant de foncer vers la première sortie en vue. Pas question qui m’double ! Il est en transport en commun, franchement, ya aucune chance. J’me faufile entre les piétons pendant un temps avant de m’glisser sur la piste cyclable. Bien mieux ! J’connais le chemin par cœur à force de squatter chez lui, surtout après une bonne séance de glisse. Il me faut pas plus d’un p’tit quart d’heure avant d’arriver devant son immeuble. Et si j’en crois l’absence de news sur mon portable, il est encore en route. Parfait, j’vais pour m’en fumer une tranquille avant de monter. Je dégage une de mes épaules de l’emprise de mon sac, le fais passer devant moi et récupère mon paquet de roulées. Ni une, ni deux, j’laisse mes doigts faire leur p’tite magie avant d’enfin glisser l’objet de mon p’tit bonheur entre mes lèvres. Le paquet de retour à sa place, j’prends mon briquet de ma poche et m’apprête à allumer ma roulée quand j’aperçois mon frangin au bout d’la rue. « Ben alors, t’es resté bloqué dans un bouchon ou quoi ? J’t’avais dit que j’serais là avant toi ! »

@Lenny Burrows

Un p'tit sms rapido pour rappeler à ta soeur ses obligations de la soirée, c'est-à-dire venir embêter son frère préféré (tu aurais bien rajouté que t'étais son seul et unique frère, mais il y avait Nate*, sauf que tu peux dire avec certitude et toute la modestie dont tu peux faire preuve, que tu es le préféré des mâles Burrows... ou peut-être pas.) Cameron, ou la plus compétitive des filles de la famille. Elle t'avait répondu aussitôt, insinuant qu'elle serait chez toi avant... toi-même, alors que tu t'y trouvais déjà, bien installé sur le canapé, avec les jambes relevées, les pieds posés sur la table basse juste devant, sur laquelle trônait une bière, à moitié entamée. Rigolant dans ta barbe, tu t'étais levé, quittant ton appartement, les mains dans les poches pour faire un tour du quartier à la marche, d'un pas lent et curieux, attentif à ce qui t'entourait. Une vingtaine de minutes plus tard, te revoilà au point de départ, dans la cour centrale menant aux divers appartements de la résidence. Tu traînes du pied un peu, levant les yeux au son de la voix de Cameron qui t'interpelle aussitôt. Tu jettes un coup d'oeil à ta montre en riant. J'ai eu le temps de faire le tour du quartier deux fois avant que t'arrives, Cam. J'étais déjà ici quand tu m'as répondu. Et tu arrives à sa hauteur, lui volant sa roulée pour la glisser entre tes lèvres et souffler un coup, puis deux, l'air moqueur sur ton visage. Tu enroules ses épaules en lui rendant sa roulée. J'suis content de te voir, poussin. P'tit nom affectueux que tu lui donnais depuis toujours.

@Cameron Burrows


*J'ai mis Nate comme prénom pour leur autre frère, parce que c'est le nom qu'a pris celui qui s'est inscrit, et parce que je n'avais pas d'inspiration

Mon frangin relève la tête et j’aperçois direct son sourire merdique. Qui se transforme en rire moqueur alors qu’il regarde sa montre. Je plisse les yeux. Ça sent pas bon pour moi c’t’histoire. Je l’sens qu’il va se foutre de moi, il a sa tête de p’tit diable. Et voilà, gagné, j’l’avais bien dit ! Forcément aussi, s’il reste planté chez lui, j’risque pas de réussir. « Tout ça parce que tu sais que t’es lent, t’as jamais pu m’doubler ! Et du coup, tu triches. C’est un coup bas fréro. » Je râle encore plus contre lui en le voyant me piquer ma roulée. Il pouvait pas juste faire un tour de plus le temps que j’la termine, j’ai pas un stock infini moi. Et il va déjà tout me piquer ce soir, c’est sûr. Mais bon, ça va, j’la récupère rapidement et j’me calme en tirant une bouffée. Avant de grimacer tout de suite après en entendant son surnom stupide. Automatiquement, je viens lui donner un petit coup contre son épaule. « Moi aussi, fréro poule ! » Et j’lui tire la langue. Gamin ? P’t’être mais j’m’en fou. Je tire une nouvelle aspiration sur ma clope et lui propose la fin. « Alors, ya qu’nous deux ou d’autres frangins nous rejoignent ? » On n’est pas samedi, mais on sait jamais, il aurait pu demander aux autres. Ce serait pas la première fois, ni la dernière d’ailleurs. Je me penche pour défaire la première accroche de mes patins, les desserrer et finir en chaussette au pied de son immeuble.

@Lenny Burrows
(t'as bien fait, ça n'a pas d'influence je pense de toute façon   )

Tu me doubles toujours, car je t'ai toujours laissée gagner. Il tire la langue à son intention, avant de se servir de sa clope. Cameron, elle râlait toujours toujours contre Lenny, mais il sait qu'il s'agit d'une marque d'affection; elle revient toujours courir dans les bras de son frère et réclamer son amour, ce qu'il lui donne à profusion. Enfants, lorsque le tonnerre grondait ou que leur mère disparaissait dans la nuit pour ne revenir qu'aux petites heures du matin, les yeux cernés, rougis par ce qu'elle avait snifé ou bien que la maison craquait sous les coups de vent, la fratrie se ressemblait, un gamin à la fois, dans le lit étroit de Lenny pour un peu de réconfort, un peu d'amour, un peu de protection. Il ne dormait jamais avant d'entendre les six ronflements, et encore il ne dormait que sur une oreille, guettant le retour bruyant de la matriarche, la porte d'entrée se situant non loin de sa chambre. Aujourd'hui encore, Lenny veillait sur chacun d'eux, s'assurant qu'ils avaient tout ce dont ils avaient besoin pour s'épanouir et réussir. S'il était plus détendu qu'autrefois et pouvait se permettre de faire le clown, d'agir plus en frère qu'en père, il se ferait toujours autant de soucis pour ceux qui partageaient son sang. Y'aura qu'nous deux aujourd'hui, les autres avaient tous quelque chose à faire. Ça lui pinçait le coeur, comme un papa poule qui voit ses oisillons quitter le nid pour la première fois. Il s'ennuyait toujours de chacun d'eux, même s'il les voyait toutes les semaines, et parfois plusieurs fois par semaine. On rentre?, demande-t-il en tournant la poignée de porte menant à son appartement. Mais tu laisses ta clope à l'extérieur. Pas de cigarette à l'intérieur, seuls les joints étaient permis; il s'en roulait parfois pour relaxer, lorsque trop stressé, mais la cigarette n'entrerait jamais dans son appartement. Tu as faim? T'as mangé un morceau? Tu as soif? Frère poule un jour, frère poule toujours.


@Cameron Burrows désolée de l'attente et ne fait pas le saut, j'ai changé de pronom pour écrire