Fin de journée qui s’étire sous les rayons de soleil qui s’éclipsent. Douceur du soir naissant qui s’infiltre contre les joues rosies d’avoir couru de Serena. Jogging informel pour se vider l’esprit et s’extasier devant le paysage hétéroclite qu’est la Marina. Son téléphone rangé contre son étui accroché à son bras, les écouteurs plantés dans ses oreilles, elle ne fait guère attention à ce passant qui la bouscule et envoie valdinguer ce sas de sécurité, cette bulle musicale qui apaise son esprit. Regard courroucé qu’elle jette à l’intéressé qui file bien vite loin du ponton. Ses yeux cherchent déjà son cellulaire lorsqu’elle aperçoit une silhouette non loin de celui-ci. On n’est jamais trop prudents en ces terres et elle est bien la première à se méfier c’est pourquoi en quelques foulées elle se retrouve à côté du sacré qu’elle ramasse à la volée alors que son regard accroche celui qui lui fait face, un drôle de sentiment l’étreignant. Ce n’est guère plaisant de se faire observer si fixement mais la carrure de l’être ou du moins son visage éveille de vieux souvenirs au creux de son esprit.

Les bras plein de mes sacs de course, je débarque enfin de l’autobus pour marcher à travers la marina afin de rejoindre mon bateau. Une magnifique journée aujourd’hui encore, non pas qu’il pleuve très souvent à Los Angeles (et je ne peux pas dire que ce soit une chose qui me manque beaucoup de la côte est) bref, je suis légèrement distrait à regarder partout quand je réalise qu’il vient d’y avoir collision entre deux corps devant moi. Je penche la tête et vois un téléphone à mes pieds. Tout juste comme je me penche pour le ramasser et te le rendre, tu t’approches de moi visiblement suspicieuse. « C’est à toi? » Je le pointe du doigt avant de le prendre pour te le tendre en me redressant.

Infortune qui s’abat sur elle dont elle ne sait l’issue à l’avance. Mais ce destin facétieux qui met sur sa route cet inconnu va vite la rattraper lorsque son identité sera dévoilée. Ce jogging en solitaire tourne à l’aversion mais Serena ne parvient à détacher son regard de cet homme qui lui tend son téléphone. Présomptions jetées sans réels fondements, à s’en mordre les doigts. Tirée de sa contemplation par la voix du chevelu, elle tend également sa main pour récupérer le précieux cellulaire et arrive à articuler un « Oui. Merci » peu sonore. Il y a réellement quelque chose qui attise sa curiosité dans le visage de cet inconnu donc elle ose ajouter : « On se serait pas déjà rencontrés ? » Elle cherche sans savoir bien que l’idée reste tenace.

Ok, je sais qu’aux premiers abords, je peux faire peur à certain. Mais de là à me dévisager comme un criminel en cavale dont la photo serait sur toutes les chaines? Je plisse légèrement les yeux alors que tu récupères ton téléphone et change mes sacs de main. Ta question me prend légèrement par surprise et je te regarde de la tête aux pieds comme si j’allais soudainement te reconnaître. Ton regard semble tirailler de vieux souvenir en moi. « Je n’sais pas.. J’suis pas à LA depuis très longtemps et, pour être franc, je n’y avait plus mis les pieds depuis une bonne dizaine d’années.. »

Arrêter, stopper ce vice qu'elle lui concède et dont elle n'est pourtant que très peu souvent criminelle. Toussotant, l'avocate s'efforce d'observer un point de l'horizon pour ne plus paraître intempestive. Relevant les paroles de l'homme, Serena n'arrive à déterminer le point de chute de ses recherches pour retrouver le bellâtre dans sa mémoire. « Ca va vous paraitre dingue, mais je suis certaine de vous avoir déjà croisé. Vous avez grandi où à Los Angeles ? Peut-être que nous étions voisins ? » Il serait difficile qu'ils se soient croisés par la suite tant sa vie a été réglée comme du papier à musique avec le vieux, l'école peut-être mais ses relations n'étaient pas au beau fixe puisqu'elle ne captait son auditoire car elle galopait bien vite vers son foyer une fois la sonnerie déclenchée.

Je fronce les sourcils, tente tant bien que mal de replacer les traits de ton visage sans succès. Enfin, il y a bien ces yeux d’un bleu perçant qui tiraille ma mémoire, mais d’où? « Tu peux me tutoyer. Et j’suis né dans la Vallée. Après mes 13 ans j’ai été baladé de foyers en foyers… » Pourquoi est-ce que je m’ouvre comme ça aussi facilement à une étrangère? J’en sais foutrement rien. Pourtant, j’suis étrangement à l’aise avec toi. Une part de moi te reconnaît sans nul doute, mais consciemment? Rien.