J’marche, la tête en vrac. À m’poser des questions que je préférerais éviter. Parce que j’ai franchi la limite. J’le sais. J’ai franchi la ligne. Pour Nina. J’vends mon corps pour un peu d’argent. J’vends ma putain d’fierté pour payer d’la chimio. J’regrette pas. Parce que mi hermana… dios. Elle est tellement précieuse et fragile à mes yeux. Et j’ai l’impression qu’elle paie le prix d’mes erreurs. Comme si la vie avait décidé d’la punir elle. Pour mes conneries. Et ça m’tue putain. Ça m’tue. J’ai cette boule dans l’estomac en permanence. J’arrive plus à m’regarder dans un miroir. Parce que j’pile sur mes valeurs, mes principes. J’pile sur des années à gueuler, des brassières brûlées, pour mettre fin à ce putain de sexisme. Et j’me rends compte que les femmes en sont au même point. Sexualisées. Utilisées. Reluquées. J’sens cette rage à l’intérieur de moi en permanence. Moi qui croyait que j’pourrais jamais m’détester autant qu’en pensant à c’que j’ai fait à Andres. J’me dégoûte en fait. J’ai aucune nouvelle de Faye. Plus d’bouée d’sauvetage. Rien pour m’échapper. J’cogne à la porte. Me demandant si c’est une bonne idée de venir ici. Même si c’était prévu. Parce que j’me sens vulnérable et merdique. Mais on s’connaît depuis longtemps toi et moi, Livia. Tu sais comment m’rendre le sourire habituellement.

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Les mains tachées de plomb, la colombienne tourne autour de son travail qui est loin d'être terminé. Elle a des douleurs dans tout le corps aujourd'hui, c'est horrible. L'ibuprofène ne fonctionne qu'au 3/4, ce qui veut dire qu'elle sent bien chaque os la faire souffrir. Ce qui veut aussi dire, que c'est à la limite du supportable. Putain. Elle range son travail, saute sous la douche chaude pour détendre son corps prit en otage par la fibro. Elle soupire longuement, se lave puis ressort pour se vêtir simplement. Ce n'est que toi qui vient Rafaela, elle n'a pas besoin de se couvrir de la tête aux pieds. Pas avec toi. Un short et un débardeur simple font l'affaire. Tu cognes à la porte et elle déboule pour t'ouvrir, affichant un grand sourire "mi amor !" Y'avait trop longtemps qu'elle ne t'avait pas vue. Que tu semblais avoir disparue de la surface planétaire. Also, Livia bossait beaucoup. Du temps pour elle, c'était tard, très tard le soir qu'elle arrivait à en gratter ici et là. Elle tire sur ton poignet et t'attires dans ses bras en soupirant "God.. I missed you."

Tu m’ouvres la portes et m’accueilles comme seule toi sait le faire. J’me vois littéralement propulsée dans tes bras. Les miens viennent enlacer ta taille et mon tête se poser légèrement sur ton épaule. Tu sens sucrée et tes cheveux me chatouillent le nez. Mes épaules raides se détendent à ton contact et je souris. Un vrai sourire. Pour la première fois depuis beaucoup trop longtemps.  ‘’Holà Bonita! ‘’ Je ris légèrement en t’entendant dire que je t’ai manqué. Ouais… toi aussi tu m’as manqué Liv. Affreusement. ''Pas étonnant j'suis tellement attachante et merveilleuse.’’ J’te fais la grimace. J’crois pas un mot de c’que j’viens de dire. Mais, well, j’ai toujours été comme ça. À m’jeter des fleurs pour cacher mes insécurités. ‘’Dios moi… j’ai l’impression que ça fait une éternité. ’’

Livia glousse "obviously que tu l'es." Sinon, pourquoi tu lui manquerait à ce point, uh ? Elle te relâche et hoche la tête "ouais.. ça fait vraiment longtemps.. God." Elle fait une moue en grimpant les escaliers qui grince pour regagner sa chambre avec toi "y'a que ma mère, mais elle dort alors.. parlons pas trop fort." Elle tire la langue avant de refermer la porte derrière vous.

Tu ouvres le chemin pour aller vers ta chambre. J’enlève mes chaussures à l’entrée et te rejoint dans les escaliers en route vers ton havre de paix. J’hoche la tête. « Ouais, j’comprends. Y’a pas de soucis. C’est pareil quand ma mère se tape une sieste dans le salon. » Siestes qui sont de plus en plus fréquentes. Parce qu'elle travaille trop. C’est toujours la guerre à la maison. Avec mes quatre petits frères et sœur c’est genre la troisième guerre mondiale en permanence. Le chaos complet dans la maison. Parfois j’adore ça. J’adore la vie que ça donne à notre foyer. D’autres, ça m’exaspère et me donne envie d’me tirer une balle. Faut croire que c’est ça la vie d’famille. On entre dans ta chambre et je m’assois sur le lit. « Bordel moi aussi j’aimerais ça avoir ma propre chambre. » Le rêve. L’intimité. Le silence. Mais dormir avec Nina me manquerait probablement. Et elle a besoin de mon support dernièrement. Mais c’est pas l’temps de penser à ça. Non, j’suis ici pour me changer les idées. « Sinon, comment tu vas Cariña? »

Livia pivote le menton vers toi "comment va tout le monde ?" qu'elle s'informe en refermant la porte derrière vous, pour se laisser choir sur le dos dans son lit défait. Ouais.. elle ne le faisait pas, son lit. Elle s'en fiche, elle le re-déferait le soir, anyway ! Elle glousse en te regardant "ouais.. j'aime bien avoir la mienne." Après, elle vivait avec ses parents et l'un de ses frères.. de 35 ans. C'est pas comme s'il était possible de partager une chambre. Souriante, elle hausse les épaules en remontant ses pieds sur le matelas "ça va. Je bosse toujours, c'est devenu le centre de ma vie.. parfois c'est un peu plate." Elle ne sort presque jamais, ne voit pas d'amis. Elle bosse, rentre, dessine... et c'est tout. "Et toi ?"