Nervosité. Anticipation. L'ventre noué par un cocktail d'émotions particulièrement grotesque de fébrilité et de tout un tas d'autres choses, alors que tu faisais les cent pas sur le quai, marchant de long en large près des bateaux, regardant constamment l'écran d'accueil de ton téléphone pour surveiller l'heure et espérant voir apparaître son nom en premier ligne, peut-être. Était-il en route, avait-il seulement quitté le boulot? Ne prenant aucune chance, car c'est un peu dans l'effet de surprise que tu essayais de l'attraper, c'est une bonne heure avant celle annoncée que tu flânais, à la recherche de son bateau, même si c'était peine perdue; il y en avait trop et le sien n'était pas encore baptisé. Ton hôtel était tout prêt de l'aéroport, et l'aéroport était tout près de la Marina Del Rey, là où son bateau était accosté. L'coeur qui bat, qui résonne dans une tête pleine de pensées contradictoires et pas toutes agréables; la honte, celle d'être parti sans jamais regarder derrière. Quoique... c'était faux. Tu avais regardé en arrière... souvent. Mais sans jamais te manifester. Les regrets, ceux de ton silence. La peur, celle de sa réaction et une autre peur, bien plus grande, bien plus forte, qui grondait en toi, celle d'avoir mal. Le manquerais-tu? Et si son bateau était à l'autre bout du quai? C'était possible. Ou peut-être pas. Tu lui avais promis un colis, et les indications étaient claires: il avait été livré non loin du centre de contrôle, là où un gardien demeurait, toute la journée. Le gardien qui était installé dans sa petite cabane, à un lieu stratégique, c'est-à-dire au centre de la Marina. Il ne pourrait pas ne pas te voir Merde, il t'avait manqué. Oh... il te manquait terriblement. Ne restait plus qu'à attendre. Attendre. Tu pouvais bien l'faire, puisqu'il avait lui-même réussi à attendre après toi pendant des mois. Quel con tu pouvais faire parfois, Warren.

J'sais pas quoi penser de toute cette histoire. Franchement, même si j'suis encore là à attendre, j'avais en quelque sorte fait mon deuil de notre relation qui, finalement, n'en avait jamais vraiment été une. Toi qui ne devais jamais revenir, voilà que tu débarquais à nouveau dans ma vie avec tous ces espoirs et ces possibilités me poussant à rêver d'un avenir que je ne toucherais probablement jamais du bout des doigts. Un cadeau devait arriver pour moi aujourd'hui et je ne cessais de me demander de quoi il s'agissait. Incapable de me concentrer au travail, je n'arrêtais pas de regarder l'heure, plus que jamais prêt à mettre les voiles à 19h tapante. Ironique, je sais. Je quitte en bus et rentre chez moi en regardant distraitement par la fenêtre pour ne pas me retrouver à relire encore et encore nos sms. C'est une drogue, j'vous jure. Lorsqu'enfin j'arrive à la marina, je me rends au poste de contrôle pour trouver mon colis... qui n'y est pas. À la place, on m'indique simplement un chemin à suivre et mon coeur tape dans ma poitrine. C'est pas possible, t'aurais pas réellement fait ça... et pourtant... « Warren...? » Je m'arrête net en te voyant, à plusieurs mètres devant moi, incapable de faire un pas de plus. C'est un rêve et j'vais m'réveiller, pas vrai? J'ose à peine cligner des yeux de peur que tu ne sois un mirage.

Dur de mettre des mots sur ce que tu pouvais ressentir, et comment tu t'sentais; ça l'avait toujours été. Tu avais appris à apprivoiser tes émotions du temps de ta première vraie relation avec Olive, à les exposer plus par après... peut-être trop? Et tu les refoulais maintenant, de peur d'attirer les prédateurs tel un animal blessé qui se replie dans l'attente et l'espoir de se reconstruire sans être pris d'assaut. C'que tu ressentais pour Vinnie, tu le refoulais, prétextant que c'était pour le protéger de toi et pour te protéger de lui. C'était faux. C'était juste la peur. Peur d'le perdre, peur d'avoir mal, peur de t'ouvrir. Et si tu mettais tes craintes de côté, qu'arriverait-il? Tu te sentais enfin prêt à prendre le risque.

Et le voilà devant toi. Vinnie Kingsley. Le colosse tatoué qui n'avait pourtant rien de menaçant. Le colosse tatoué qui te faisait un effet de malade. Qui te rendait fou. Et voilà que t'étais fou de joie de le voir. De l'avoir là, tout de suite, devant toi. Ça faisait une éternité. Tu l'vois, et ton coeur se met à palpiter si vite et si fort, que t'entends à peine sa voix qui t'interpelle, incertaine. Vous vous toisez de longues secondes. Une éternité. Il faut qu'tu rompes la distance. Il faut que tu puisses le voir de près, le toucher. Ton corps tout entier s'active pour répondre à cette requête de ta tête, de ton coeur. Et t'avance vers lui, nerveusement, inquiet, mais tellement fébrile. « It's me, Vincent... » Et te voilà tout près, à quelques centimètres à peine. Toujours aussi beau, le regard qui te chavire de l'intérieur, tel un tsunami d'émotions.

Le temps semble suspendu alors qu'on se fixe tous les deux sans un mot. Puis, tu brises le vortex qui semble nous avoir prit dans ses griffes et t'avance vers moi. D'un pas lent, mais ferme et ne t'arrête que lorsque la chaleur de ton corps est facilement ressenti par le miens. Je frissonne imperceptiblement, me noie dans tes yeux bleu et ces foutus papillons s'envolent dans mon bas-ventre. « Who gave you the right to call me that in person? » Parce que tu sais l'effet que ça me fait et bon sang, c'que j'ai envie de t'embrasser là tout d'suite.

Malgré la brise légère de la Marina, c'est plutôt une chaleur qui s'immisce entre vos deux corps à proximité, une chaleur qui vous emporte et te fait déjà rêver. Tu le fixes, droit dans les yeux, puis te permets une petite évasion dans l'instant présent, fermant les yeux pour mieux apprécier le moment, ton bras s'avançant pour frôler le sien. C'est bien réel. Et tu les rouvres, affichant l'un de ces sourires qui te colle si bien au visage, un sourire à la fois fier, provocateur, amusé et... amoureux? Tu décides de jouer la carte de l'innocence, même si tu es tout, sauf ça. « Who gave me the right to call you what now? Vincent? » Et tu appuies sur le dernier mot, sur son nom, sachant très bien l'effet que ça lui fait, oui. Tu avales ta salive sans le quitter des yeux, jamais plus tu n'voudrais t'échapper de l'effet ravageur qu'on ces yeux sur toi.

Tu fermes les yeux et je t'observe. Tu sembles prendre ton temps pour profiter de ce moment, pour enregistrer les sensations et, bien que mes yeux soient bien ouverts, je fais pareil. Lorsque ton bras effleure le miens, j'ai l'impression d'avoir le tourni. T'es bel et bien là ou alors tes un rêve sacrément tangible. Mon nom échappe à nouveau tes lippes et j'ai presque envie de gueuler. "Don't look at me like that.. you handsome devil." Je lâche un petit rire amusé et ne laisse patauger dans le bleu de tes yeux, la brise soufflant quelques mèches de mon chignon sur mon visage. "Did you find my boat?"

« I could easily look at you like that all day long. » Sa remarque t'arrache un rire sincère, bien que nerveux. Il était beau, Vinnie. Aussi beau qu'la dernière fois que tu l'avais vu de tes propres yeux « I was waiting for you to show it to me, actually. » Ta langue passe sur tes lèvres pour les humecter, ne demandant qu'à l'embrasser. Un besoin qui te prend les tripes, qui te serre l'estomac, tout aussi fort que celui de discuter, de vous apprivoiser de nouveau... chaque chose en son temps.

Et moi donc, si tu savais. J'réalisais pas à quel point ça m'avait manqué de te regarder comme ça jusqu'à ce que je te vois y'a quelques minutes de ça. J'veux dire, ouais, tu me manquais vachement, mais ta présence fait en sorte que tu me manques d'avantage si c'est même possible. « What are we waiting for then? » Je ris un peu, mais j'ai une boule de stress de la grosseur de mon poing qui me bloque la gorge alors que j'essaie de parler normalement. Je t'observe un peu et hoche la tête avant de passer à côté de toi pour continuer vers mon bateau. Tu te retrouves derrière moi et je n'ose soudainement plus me retourner de peur que tu ne sois plus là.

Le Warren d'autrefois se permettait d'être arrogant et fier, de jouer les coqs, d'être cocky. Rien ne l'effrayait, tout était un défi qu'il était prêt à relever, aucun obstacle ne l'empêchait d'avancer, de bomber fièrement le torse. Le Warren d'aujourd'hui... il était joueur, séducteur, mais plus posé, plus réfléchi. L'impulsivité s'effaçait peu à peu de son caractère à mesure que les années avançaient. Le Warren d'aujourd'hui, celui que tu étais devenu, il avait les jambes molles, le coeur battant, le fierté qui en prenait un coup et tout le reste qui se mélangeait drôlement. « I'm following you handsome. » Tu l'suis derrière, un sourire large comme le clair de lune trônant sur ton visage. Il t'semble loin, comme s'il s'éloignait de toi, un pas devant l'autre, au ralenti. Pour empêcher qu'il ne t'échappe, tu le rattrapes aussitôt, ton bras contre le sien. « You're stuck with me all night... no matter what you say. »

Je continus d'avancer, ralentissant inconsciemment comme pour te permettre de me rattraper -ce que tu fais finalement. Ton bras qui touche le miens à chaque pas, j'ai l'impression d'avoir des fourmis dans les doigts tellement je meurs d'envie de te prendre la main. Un contact simple, qui peut sembler stupide... en réalisé, j'ai l'impression d'être un adolescent à nouveau, mais c'est pas la première fois que tu me fait me sentir some type of way Warren, pas vrai? « Oh really? » Je joue la carte de la fausse surprise, à la limite de l'indifférence alors qu'à l'intérieur, j'ai chaud et un mini moi sautille en jetant des confettis dans les airs. « I hope you'll like my boat then » Je ris un peu et tourne sur un quai adjacent.