Il était en train de me dire qu’il était possible d’aider jusqu’au Master dans à peut près tout les domaines, cette simple révélation me fit noter quelque chose de plus sur ma feuille avant que je ne lui réponde pour disparaitre à la recherche d’une bière. Revenant donc avec le saint Graal, je lui avançais avant de lui demander pourquoi avoir choisi ce domaine et le moins que l’on puisse dire c’était que sa réponse était intéressante, il trouvait le fonctionnement de l’univers fascinant, le fait que l’on réponde à des lois invisibles, que l’on ne soit qu’une infime partie de l’immensité de notre univers semblait le captiver et je devais bien dire que le sujet était aussi intéressant pour moi. Je n’y connaissais peut-être rien, mais je ne pouvais nier que le champs des possibilités étaient… Captivant.

Ne perdant pas le nord, il me demanda alors pourquoi l’armée avant de souligner le danger et les règles qu’elle impliquait. Involontairement, à l’énoncé d’un danger potentiel, je ne pus me retenir de toucher ma jambe, comme pour me rappeler combien il avait raison avant de relever la tête dans un sourire, « J’ai l’air aussi peu sérieux que ça ? Je suis presque vexé ! » déclarais-je donc avec légéreté, « Mais c’est vrai que je n’arrivais pas souvent à me faire respecter et puis j’avais les cheveux plus court à l’époque et sans longueur j’ai tendance à friser, vas essayer de donner un ordre comme ça, c’est impossible ! Capillairement l’armée et moi nous n’étions pas compatible ! » déplorais-je non sans ironie. La seconde d’après, mon regard se noircit légèrement, mon sourire mourut et mon visage se baissa, « On avait l’impression de vivre dans des cages avec mon meilleur ami. Lui était populaire, sportif, un meneur d’homme, mais il était surtout comme moi dans le fond, il avait besoin de protéger les autres, de les défendre. Alors quand on a décidé d’emmerdé nos parents respectifs, on s’est dit que l’armée ça devait pouvoir le faire, ça cochait pas mal de case, de job pas glorieux en société à sauveteur de l’humanité. », mais la fuite avait été douloureuse, voir fatale pour les deux jeunes plein d’idéaux que l’on était. « Aujourd’hui j’ai une super pension en tant qu’ancien combattant et mes parents ne me parlent même plus ! Si ce n’est quelques photos gênante proche de l’ovin, je crois que ça aura réglé pas mal de problème ! » déclarais-je avec une touche d’humour qui n’était là que pour me faire sortir de cette nostalgie un peu trop… Visible et gênante.

« Ne me juges pas, mais je peux que te croire quand tu parle d’immensité et de lois strictes et invisible, je suppose que c’est impossible d’expliquer clairement tout ça à quelqu’un qui n’a plus eu aucune notion de physique depuis le lycée, mais… C’est si fou que ça ? Je veux dire, notre fonctionnement en tant qu’humain est réellement la finalité de quelque chose d’autre ? Ça doit paraitre con comme question, mais t’as pas des grandes lignes à me donner ? » et puis pour orienter, il fallait bien que je connaisse un peu mieux tout non ? « Je crois qu’en fait je vais être le premier à suivre tes cours, tu domines bien mieux l’université et la physique que moi ! » concluais-je dans un rire avant de me réfugier dans ma bière.

Drew adore faire des blagues ridicules, vraiment, mais disons qu’il a besoin d’être dans l’ambiance pour se laisser charmer par l’humour et là… Il n’y est pas. Autant dire que la remarque d’Alex sur ses cheveux et leur relation avec l’armée tombe donc légèrement à plat. Le doctorant a cependant la courtoisie de lui offrir un sourire poli, pour l’encourager. Cela dit, même s’il n’arrive pas tout à fait à se sentir aussi léger et détendu qu’Alex, son animosité à l’égard de l’homme s’éteint doucement mais sûrement. Il semble juste être le genre de type qui prend la vie du bon côté et dans le fond, il n’y a vraiment pas de mal à ça. Drew en viendrait même à se demander comment il fait. Surtout qu’il a du mal à imaginer qu’on puisse rester joyeux après avoir vu l’horreur de la guerre à l’autre bout du monde. “Je ne dirai rien au sujet de tes cheveux, mais on dirait au moins que ça n’a pas fait de mal à ta personnalité.” commente-t-il, le ton neutre, pas vraiment à sa place sur le sujet.

Il est beaucoup plus à l’aise quand il s’agit de physique et d’astronomie, quoiqu’il comprenne assez mal les questions plutôt maladroites d’Alex. Il ne le cache d’ailleurs pas tellement alors qu’il fronce les sourcils. “Je pensais plus à des concepts comme la gravité, le temps ou même la lumière… Tout ce qui nous entoure, la vie elle-même d’une certaine façon, dépend de choses sur lesquelles on a à peine les connaissances. La physique est dans absolument tout ce qui nous entoure et l’Univers est tellement vaste qu’on ne pourra sûrement jamais l’explorer complètement.” explique-t-il en essayant tant bien que mal de rester assez mesuré pour ne pas perdre l’homme en cours de route. “Le grand point de départ de l’Histoire de l’humanité, c’est le Big Bang,” continue-t-il, de plus en plus animé, “sans ça, on n’existerait pas. Et encore aujourd’hui, des milliers d’années après cet événement, l’explosion n’est toujours pas terminée, tu te rends compte ? C’est l’une des rares choses concernant l’Univers dont on est absolument certains et même comme ça, on est incapable d’en connaître toute la portée, les conséquences et ça soulève autant de questions que ça n’apporte de réponse…”

Il pourrait continuer des heures, mais a bien conscience que la plupart des gens n’ont pas les mêmes capacités que lui sur le sujet. Et s’il voudrait être le genre de personne capable de parler de toutes ces questions avec clarté, il ne l’est pas. “Bref…” lâche-t-il donc, gêné. “Je divague et si tu ne m’arrêtes pas maintenant, je vais finir par réellement te donner un cours d’astrophysique, alors que je n’arrête pas de dire que je n’ai pas le temps. Donc… Qu’est-ce que tu fais dans la vie, à part harceler les étudiants de cette fac ?”

Il avait définitivement du mal à se débloquer, bon le sujet était difficile aussi, mais il restait coincé. Revenant donc sur le sujet de ses études, il commençait à parler de gravité, de temps, de lumière et rapidement je me sentis un peu con de ne pas avoir pensé à ça. C’est vrai que cela avait plus de sens comme ça, ça impliquait en effet des règles que je pouvais volontiers accepter comme supérieur et existante. Il parla alors du Big Bang, quelque chose nous ayant créé, dont l’on était sur, mais qui était toujours pas terminé et sur ça, j’avais plus de mal. J’avais toujours vu ou cru comprendre que c’était actée depuis des années, mais la vérité semblait bien différente et j’avais encore plus de question… Que je n’allais sans doute pas pouvoir poser car il s’arrêta sous prétexte que continuer reviendrait à me donner des cours alors qu’il affirmait ne pas avoir de temps. Souriant à cette remarque, je devais lui concéder ça, mais il n’allait pas s’en sortir aussi facilement. « Ca me dérange pas pourtant que tu parles, maintenant que tu m’as dit que le Big Bang était pas fini, je crois que j’ai beaucoup, beaucoup trop de question… Combien de bière pour que tu me répondes ? » demandais-je alors simplement dans un sourire.

Quant à ce que je faisais de ma vie si ce n’est harceler les étudiants… « Je suis intervenant dans quelques associations et je travaille dans un café. », j’aurais pu m’étendre sur le sujet des asso, mais si je n’avais aucun problème sur les enfants en foyers, je sentais peut-être venir les questions sur mon utilité dans des groupes de soutiens pour les grands blessés et ce n’était pas spécialement quelque chose à dire tout de suite, du moins pas si je voulais avoir une chance de garder le sujet ailleurs. Et pour les alcooliques anonymes… Je n’avais pas une bière là ? Présentement ? Évitons de passer pour un fou tout de suite. « T’as aucun élèves qui t’as jamais rien proposé ? Non parce que tu t’animes quand tu parles de physique et tu deviens tout à fait charmant, quoi que tu le sois déjà. » soufflais-je comme un aveux, même si j’étais loin de réellement caché quoi que ce soit à ce niveau là. Il était pas mal, le genre de pas mal qu’on pouvait vouloir croquer.

« Et tu peux pas dire que je te harcèle… Je te parle plus vraiment de mon projet là ! » ajoutais-je avec un clin d’oeil qui voulait bien dire que je n’avais pas abandonné, mais qu’il était bel et bien question de le connaitre un peu plus. Bref, j’étais quand même assez à l’aise avec lui, même si je n’arrivais pas à obtenir son aide, le moment resterait agréable. Enfin pour le moment je n’allais pas partir perdant non ? J’avais besoin d’un homme en physique et c’était pas encore perdu avec lui.

Peut-être qu’après cette bière, Drew se laissera vraiment tenter par d’autres, mais pour l’instant il se contente de rester poli et de ne pas faire savoir à Alex qu’il n’a pas vraiment l’intention de rester avec lui des heures. “On verra bien, faut déjà que j’accepte de terminer la première.” indique-t-il seulement avant d’avaler justement une gorgée d’alcool. Et franchement, il se trouve plutôt sympathique, compte tenu de la situation. Car malgré ses nombreux refus, il est là, il aide comme il peut et il va même jusqu’à s’intéresser sincèrement à l’homme. Qui ne semble pas très bien comprendre les questions de Drew, si l’on en croit la réponse qu’il donne au sujet de ses activités. À moins qu’il ne soit vraiment le genre à ne jamais se détendre, travailler sans arrêt… à le regarder, ça ne semble pas si dingue que ça. “Je voulais savoir ce que tu fais pour te détendre, quelles sont tes passions, j’en sais rien…” souligne-t-il, sourcils froncés. “Mais si tu veux me faire croire que t’es un super héros à temps complet…” Il hausse les épaules, de façon à dire qu’il ne va pas argumenter à ce sujet. Une telle dévotion, c’est très beau. Un peu effrayant aussi, mais très beau.

“Me proposer quoi ?” s’étonne-t-il à la question qui suit, un peu plus crispé tout à coup. “C’est contre la politique de l’établissement de… fraterniser avec ses étudiants.” précise-t-il, dans le doute. Il est peut-être complètement idiot, mais la question sous-entend quand même beaucoup de choses, rien de très professionnel. “Aucun d’entre eux ne m’a jamais proposé quoi que ce soit, à ma connaissance en tout cas, mais j’aurais refusé de toute façon.” Et puis, même si le compliment d’Alex lui va droit au coeur, il faut voir la vérité en face : Drew n’est clairement pas la personne la plus avenante de cette fac. Il n’est pas non plus le genre à s’attarder. Il n’y a qu’à voir comment il a répondu à la demande d’Alex pour deviner qu’il n’est pas tout à fait le type populaire du coin, bien au contraire. “Mais merci.” ajoute-t-il, plutôt gauche. C’est toujours flatteur d’entendre une telle chose et Drew ne cherche pas à passer pour un con volontairement… Il n’a juste pas tout à fait l’habitude de ce genre de chose. Sa dernière relation remonte à un petit moment, maintenant et on ne peut pas dire qu’il ait fréquenté beaucoup de gens depuis. C’est peut-être même la première fois que quelqu’un lui fait une remarque sur son physique depuis Miles…

“Excuse-moi, je ne suis pas vraiment habitué à… fréquenter des gens.” Et ça ne s’arrête pas vraiment aux relations intimes, d’ailleurs. “J’imagine que tu comprends pourquoi.” ajoute-t-il dans un sourire penaud. Il est peut-être agréable à regarder, mais entre sa froideur et sa maladresse… Il suffit généralement d’une brève conversation pour décourager la plupart des gens. “C’est en partie pour ça que je n’ai pas tellement envie de donner des cours particuliers. J’ai un peu de mal avec les gens. Pendant un cours, ça va, je sais exactement ce que j’ai à faire et je ne m’adresse que rarement à une personne en particulier, mais… en tête à tête… C’est mieux pour tout le monde si on évite ça.”

Il fallait en effet qu’il finisse sa première bière, c’était sans doute vrai, il n’y avait aucune certitude pour la suite, mais ça mettait presque un challenge. Revenant donc sur sa question pour savoir ce que je faisais en dehors de mes études et visiblement ma réponse, le fait d’être dans l’associatif et de travailler à côté suffit à lui faire dire que j’étais un super héros à temps complet. Ca n’avait pas l’air de l’enchanté, il aurait peut-être voulu connaitre le reste, mais j’avouais avoir parfois un peu de mal à communiquer sur mes passions. Sans doute car même si je profitais de nouveau, c’était assez chiant pour les autres non ? Les burgers et le silence ? Sincèrement, y’avait mieux pour vendre du rêve. M’intéressant donc au fait qu’il était peut-être possible qu’il ait reçu des avances, il me répondit de façon très protocolaire. Ce n’était pas vraiment autorisé de fraterniser avec des étudiants, mais bien au de-la de ça, aucuns n’avaient proposé quoi que ce soit, et si c’était le cas, il aurait refusé. Ce mec n’était pas drôle à ce niveau.

Après m’avoir remercié pour les compliments je suppose, il avoua de ne pas être très habitué à fréquenter des gens, chose que j’aurais deviné tout seul entre nous. Souriant donc à ses mots, je comprenais qu’il était peut-être plus question d’un refus d’aide car il n’était pas à sa place que pour le temps, à moins que ce soit les deux. « Je vais pas te forcer si t’es vraiment pas à l’aise. » déclarais-je donc dans un sourire, « Tu sais que la socio, les relations humaines et tout ça c’est un peu comme les études, ça s’apprend, faut de la pratique. Certes y’en a des plus doués que d’autres, mais si être en tête à tête avec quelqu’un est compliqué, c’est peut-être pas un mal de travailler dessus. » soufflais-je avant de boire quelques gorgées.

« T’es pas à l’aise là avec moi ? Car je suis sûr qu’après quelques blagues je peux corriger ça. » ajoutais-je dans un clin d’oeil. Bon après insisté ne serait pas la meilleure solution, alors je finis par passer à autre chose. « Et si ce n’est être un super héros, j’aime bien lire et le café. Et les cheese burgers. » revenir à ce moment là me semblait pas mal, mais savoir ce qu’il aimait lui n’était pas sans intérêt. « Et toi ? Si ce n’est l’espace, l’astrophysique et trouver des stalkers, t’aime faire quoi, ou t’aime quoi ? », il semblait complexe et intéressant, même si c’était un pied socialement, il y avait sans doute à faire.

Si Drew avait la capacité de changer ses problèmes relationnels, ce serait déjà fait, non ? Il a trente ans, ça lui semble un peu tard pour modifier son comportement en profondeur, surtout qu’il a déjà essayé tout ce qu’il a pu. Il se contente donc d’un sourire poli alors qu’Alex essaye encore de le convaincre avec l’argument que ça peut l’aider. Encore faut-il qu’il en ait envie, ce qui n’est pas le cas actuellement et le forcer ne risque pas de l’aider à quoi que ce soit. “Tu lâches vraiment pas l’affaire, hein ?” note-t-il, plus vraiment agacé, mais pas plus à l’aise. “Je suppose que c’est une qualité d’être à ce point déterminé, mais… Désolé, ça ne fonctionnera pas avec moi, vraiment pas.” Il ne sait pas comment se montrer plus clair encore, pas après avoir refusé un million de fois déjà qu’importe la manière dont la question lui a été posée. “Je t’accorde que c’est important de dépasser ses limites de temps en temps, mais si ça ne vient pas de la personne concernée, je ne vois pas comment ça peut fonctionner.” Tout ce que voit Drew actuellement, c’est que même s’il ne déteste pas ce type, il a un peu envie d’être ailleurs. Ce n’est pas une très bonne chose pour Alex.

“Je ne suis pas à l’aise en ce moment avec toi, non.” répond-t-il très honnêtement à la question qui suit. Il ne sait absolument pas si quelques blagues peuvent arranger ça, mais il ne voit en tout cas aucune raison de faire semblant simplement pour flatter l’ego de l’homme. Après tout, lui ne cherche rien, il n’a rien à perdre. “Ce n’est pas contre toi.” ajoute-t-il quand même, un peu précipitamment. “Je crois même que je commence à t’apprécier un peu. C’est juste… Tu peux être relativement stressant quand tu t’y mets.” Il sourit un peu plus franchement après ces mots, caressant l’espoir secret que cet aveu termine de convaincre Alex de laisser tomber. “Après, je veux bien t’aider avec ton projet, mais pas en donnant des cours. C’est un bon compromis, non ?”

Peut-être que peu à peu, le message commence à passer et que bientôt Alex cessera complètement d’insister. Ça semble en bonne voie, en tout cas, quand il s’intéresse à autre chose ne serait-ce qu’un instant et en vient même à arracher un rire à Drew. “Je n’ai vraiment aucune passion pour les stalkers.” corrige-t-il. Il ne comprend pas vraiment pourquoi Alex essaye de jouer au plus malin avec lui en imitant assez mal son comportement, mais c’est sûrement un autre de ces codes sociaux auxquels il ne comprend rien du tout. “Enfin bref, pour te répondre, j’ai bien peur de ne pas avoir grand chose de plus à ajouter à la liste. Honnêtement, l’astronomie et la physique m’accaparent beaucoup, j’ai à peine le temps d’apprécier autre chose. À part peut-être ne rien faire du tout.” Son malaise, brièvement oublié, revient de plus bel au silence qui suit ces quelques mots. Il n’a pas grand chose à offrir et il n’aime pas tellement s’en rappeler. “On devrait peut-être s’en tenir à un seul verre, j’ai peur que tu meurs d’ennui si on passe trop de temps ensemble.” souffle-t-il en baissant les yeux sur sa bière.

Bon je crois que j’avais été trop loin, il semblait agacé, plus vraiment disposé à me répondre et en plus, il n’était pas à l’aise avec moi, mais je devais pas le prendre contre moi. Il commençait à m’apprécier, mais je pouvais être stressant et c’était plus que le cas à présent. Il ne ferait donc pas partie du projet, mais il voulait bien m’aider avec lui, ce qui soyons honnête était vraiment super vu qu’une discussion avec lui avait déjà soulevé plein de point auxquelles je n’avais pas pensé. « Je suis désolé. » répondis-je dans un sourire sincère lorsqu’il fut question de ce que j’avais pu provoquer en lui. Je ne voulais pas qu’il se sente mal. « Mais je te promets de plus insister, j’accepte juste ton offre, j’ai l’impression de pas avoir assez bosser et toi tu en sais vraiment beaucoup. » et là aussi j’étais franc.

Mais trêve de parler boulot, je voulais en apprendre plus sur lui et il sembla prendre au premier degré un de mes mots, ce qui me fit rire. Repoussant le fait que c’était malvenu, je continuais à l’écouter, il n’y avait pas grand chose de plus à dire, il aimait l’astronomie, la physique, alors il n’avait pas trop le temps pour le reste. C’était un peu dommage. Pour avoir vu la mort de très près, pour avoir vécu avec elle, je savais combien il était important de vivre, de profiter de tout, même des petites choses. Faute de passion, il se sentait ennuyeux et je dus m’empresser de le reprendre, « Tu rigoles ?! » commençais-je par dire, « Ok ta vie semble manquer un peu de rythme, de livre, de musique et de burger, mais c’est pas rien ! » repris-je franchement honnête. Il n’était pas du tout inintéressant.

« Tu peux partir chez toi, genre si t’as mieux à faire, je vais pas te forcer, j’ai pas envie de te mettre encore moins bien, mais Drew, t’as conscience que juste, il y a astronomie dans tes occupations ?! » ce mec semblait vraiment à côté de la plaque, c’était parfaitement mignon. « Je suis sur que si on demande qui est astrophysicien dans la salle, on aura plus de chance de trouver un médecin ! » repris-je, pas trop sûr de moi, mais définitivement convaincu qu’il était plus intéressant qu’il ne pouvait le dire. « Y’a des milliers de choses fascinantes à raconter sur l’espace ! Ca occuperait plus d’une soirée et d’une vie de parler de tout ! » et surtout de faire comprendre tout, mais j’étais pas là pour réclamer des cours, j’avais compris ses occupation.

C’est une blague, non ? Alors que Drew est celui qui a dû insister pour obtenir un peu plus d’informations sur les intérêts d’Alex en dehors de ses heures en tant que super héros local, c’est maintenant à lui qu’on reproche de ne pas en avoir assez ? Bon, d’accord. Alex ne lui fait pas vraiment de reproches, au contraire en fait. Ça n’empêche pas Drew de ressentir l’envie pressante de s’offusquer. “Ma vie ne manque de rien du tout.” rétorque-t-il, pas loin d’être vraiment outré. “Je ne suis pas un alien, j’aime la musique et les livres. Les cheeseburgers aussi, même si je n’appellerai pas ça une passion. Ça, c’est bizarre.” Il n’a pas l’air de penser que bizarre est automatiquement mal, à en croire le rire qui suit cette déclaration, mais il faut bien admettre que de citer un aliment précis dans la liste de ses passions n’est pas très commun. Pour rester poli. Enfin, qui n’est pas un peu bizarre à sa manière, pas vrai ?

“Mon frère est producteur de musique.” souffle-t-il après quelques secondes de silence, tout à coup calmé. Il ne sait même pas pourquoi il pense à Paxton là, maintenant. “Il est évident que je ne lui dirais jamais, même sous la menace, mais j’aime beaucoup ce qu’il fait. La musique est l’une des rares choses qu’on ait en commun.” Son regard reste perdu dans le vide un petit instant, jusqu’à ce qu’il parvienne à chasser le malaise qui s’installe chaque fois qu’il pense à son frère et à l’état déplorable de leur relation. Quand il relève les yeux vers Alex, même si son sourire semble un peu forcé, il a l’air à peu près normal. “Bref, j’aime tout un tas de choses en dehors de mon métier. Merci bien.” Le problème, c’est plutôt qu’il ne sait pas comment se comporter dans une situation comme celle-là. Jamais il n’aurait parlé à Alex si l’étudiant n’était pas venu le chercher et… Il n’a juste pas l’impression d’avoir une bonne raison de s’exprimer sur sa vie personnelle jusqu’à épuisement. Ils interagissent pour une raison bien précise et Drew reste fixé dessus. Et puis, quoi ? Il ne va pas passer les prochaines heures à monologuer sur l’astronomie ? Ça aussi, ce serait carrément bizarre.

Pourtant, il se sent franchement coupable quand Alex lui dit qu’il peut partir s’il préfère. Ce n’est pas qu’il a envie de rester, pas vraiment, mais s’il s’en va… ça va devenir sacrément malaisant pour tout le monde. “Je peux rester encore un peu.” assure-t-il dans un sourire. “Est-ce que tu as la liste des personnes qui ont accepté de donner des cours ? Un plan ? N’importe quoi sur la manière dont tu comptes mettre en place ton idée et comment c’est censé fonctionner dans ton esprit ? Je viens d’accepter de t’aider, alors… Allons-y. Laisse-moi t’aider à présenter un projet tient la route.” Et il a le pressentiment que son aide ne sera pas de trop. “T’es censé présenter tout ça quand, en fait ?” Plus il pense à cette histoire, plus il a l’impression qu’Alex est le genre de personne à se lancer avant d’avoir pris le temps de réfléchir à toutes les possibilités. Heureusement pour lui, Drew est très doué pour rester assis à réfléchir et ne jamais se lancer. Ils pourraient presque former une bonne équipe, à eux deux.

Il venait de prendre la mouche ? J’avouais que j’avais un peu peur que ce soit le cas car il se défendit de ne pas être un alien, car il aimait la musique, les cheeseburgers et qu’il n’appelait d’ailleurs pas ça une passion car c’était bizarre. « Il y a mille cheese possible, c’est une passion, faut trouver le meilleur ! » lui assurais-je même si il semblait pas encore d’humeur à rire. Quoi qu’il en soit cela me permis au moins d’apprendre quelque chose sur lui, son frère était producteur et il ne dirait jamais qu’il aimait le métier de ce dernier. Un problème familliale ? Je n’irais pas creuser, je supposais que c’était privé et qu’il ne fallait pas non plus que je le cherche de trop. J’avais de toute évidence mit le doigt sur un point sensible et je n’allais insister. Et je n’allais pas non plus en apprendre plus sur les étoiles aujourd’hui.

Restant donc encore un peu, il revient sur le sujet des cours et plus exactement sur ce que j’avais préparé pour mon projet. Sortant donc ce que j’avais de prêt d’un dossier, je lui présentais une liste de nom, puis le reste, à savoir les grandes lignes du projet comme expliqué, mais aussi quelques ébauches de planning et de rotation et le dossier sous brouillon. « Je dois présenter le pré-projet à la fin de la semaine, après je serais évalué au cours de l’année dessus avec un examen final avant les vacances.. » déclarais-je donc en réalisant que tout était un peu brouillon, vouloir c’était bien, mais fallait être méthodique. « Je suis pas trop bordélique dans la vrai vie, mais c’est vrai que j’ai du mal à bien classifier tout ça. » avouais-je comme une excuse.

Drew n’est pas tellement le genre de personne avec qui on s’amuse tout le temps. Il n’est pas aussi crispé et sérieux qu’il en a l’air et il peut vraiment se détendre quand il veut, mais… Alex ne risque pas de le découvrir aujourd’hui. Ce soir, alors que l’étudiant sort les feuilles contenant l’ébauche de son projet, c’est un homme reconnu pour son sérieux, son méthodisme et son excellence qui occupe la chaise d’en face. En quelques minutes à étudier les divers documents griffonnés à la va-vite par Alex, il a une idée claire des failles dans ce projet, mais aussi de pistes pour l’améliorer. Et pour les longues, longues minutes qui suivent, Drew ne parle d’absolument rien d’autre. Il est concentré sur son objectif, ne perd pas de temps à tergiverser, au point d’avaler deux bières sans vraiment s’en rendre compte. Au moins, quand il en a fini après une bonne heure, c’est un sourire satisfait qui étire ses lèvres tandis qu’il s’éloigne de la table pour s’installer contre le dossier de sa chaise. Il s’étire longuement comme s’il venait de finir un marathon, sa longue silhouette semblant plus immense encore avec ses bras tendus au-dessus de sa tête.

“Si t’as pas la meilleure note de la classe avec ça, j’crois que j’irais rendre une petite visite de courtoisie à ton prof.” souffle-t-il en revenant s’appuyer contre la table. L’avantage avec le sentiment du travail bien fait, c’est qu’il permet à Drew de se détendre enfin un peu. Pas sûr qu’il soit en mesure de discuter de la pluie et du beau temps pendant des heures, mais il a l’air beaucoup moins renfrogné maintenant. “Je te laisse aller payer l’addition, on se retrouve dehors ?” De toute évidence, il n’en a pas l’intention de toute façon. De rester là à discuter encore des heures. Et même s’il compte bien prendre Alex au mot et se laisser invité, il fait quand même un clin d’oeil à l’homme dans le but de dédramatiser un peu la situation. Et, fidèle à ses mots, il se lève une seconde plus tard pour aller attendre Alex sur le trottoir.

Le temps est passé plus vite qu’il ne le croyait, s’il se fie à la couleur du ciel, pourtant quand l’autre homme revient près de lui, Drew se retrouve assez bêtement silencieux alors qu’il n’a plus aucune excuse valable pour prolonger l’entrevue. “J’habite dans le coin,” lâche-t-il en pointant la rue dans son dos d’un signe du pouce. Il n’est pas encore sûr de ce qu’il veut en disant ça, mais apparemment il arrive plutôt bien à improviser ce soir. “Mais je te raccompagne chez toi, si tu veux ?” propose-t-il, à sa propre surprise, confirmant bien que les mots lui échappent sans passer par la case cerveau. “J’ai vraiment très envie de savoir quelle méthode scientifique tu utilises pour trouver le meilleur cheeseburger de l’univers connu.” En toute objectivité, cette phrase ressemble à une excuse minable pour rester encore un peu avec Alex, alors même que Drew cherchait seulement à être sympa.