Mené jusqu'à lui, encore une fois, récurrence passive à laquelle il s'était habitué, forcé, par ce choix qu'il n'avait plus désormais. L'avait-il vraiment eu depuis que ce gosse était rentré dans sa vie ? Il n'a le temps d'y réfléchir Lieven, pas maintenant, pas ainsi, il ne veut pas, car la tête bouillonne déjà, parce qu'il sonne déjà car il est là pour ça, rien de plus que pour ça. La vérité. Il en a besoin. Il a besoin de l'entendre de sa bouche, tout en se sentant terriblement perturbé d'avoir cette discussion-là avec lui. Il avait cru avoir oublié ce rejet, mais celui-ci ne s'était que caché en attendant l'heure propice, le mot condamnant la suite. (( leur suite )) La porte s'ouvre, enfin, il relève la tête, la voix est rauque. " Il faut qu'on parle Elijah. " Telle est la sentence, il ne reculera pas.

@Elijah Moon  

les pensées turbulentes bercent le cœur impétueux d'un gamin aux pensées affolées. il a la gorge sèche, les mains moites, et quelques bribes de phrases s'essoufflent de ses lèvres sans cohérence. tic tac... le bruit de l'horloge accompagne les battements de son cœur. il a honte. pour une fois qu'il a honte. l'audace qui aurait auparavant voilé ses pupilles semble s'être dissipé. il est soudain, beaucoup moins confiant. il faut qu'on parle elijah. mais lui, il n'a pas envie de parler. tout ce qu'il souhaite, pour ce soir, c'est retrouver leur bulle et leurs belles discussions nocturnes ((ironiquement)) lorsque le monde s'éteint, et qu'ils s'étalent sur mille-et-un rêves. lui qui aime tant hausser la voix, sa voix s'essouffle doucement de ses lèvres. « je vois pas pourquoi c'est si important que ça. c'est du passé, lie'. » il tourne le dos lâche.

L’appréhension le dévore. La peur le tue. L’hésitation le rend muet, un noeud se crée dans sa gorge et menace d’exploser en une myriade feu d’artifice. Il ne sait pas pourquoi il a peur Lieven, mais ça le submerge, ça le corrode, irrite la peau de sa gorge qu’il se gratte instinctivement. Ça le démange, ce manque de communication et sa fuite n’accentue que plus la frustration de sentiments qui ne peuvent correspondre sans agressivité ou couardise. « Toi et moi on sait que le passé ça compte plus qu’on le voudrait. Ne te cache pas derrière ça, tu me l’as promis. Tu as promis de me faire face. » Alors pourquoi tout est si dur et rien ne se simplifie avec lui ? Comme si chaque mot inspiré de suavité se raffermissait et se rigidifiait en grimpant leur œsophage, sortant métamorphosé en venin. « Tu m’as promis de me dire la vérité. Fais le au moins une fois de ta vie. De quoi tu as peur ? » (( de quoi lui avait peur ? )) Leurs étreintes verbales sont risibles tant les discussions ne font que ricocher sans jamais réellement s’achever. « Je t’ai accepté même si toi tu m’as abandonné. » C’est peut-être ce qui lui fait le plus mal, ce qui hurle sous ses plaies masquées, sous le poil hérissé. Tout n’est qu’artifices, le poison n’est que savon — et il tente de laver ses propres tords en lui brûlant les rétines.

@Elijah Moon

son regard s'ancre partout, sauf dans le sien. enveloppé dans un mutisme amer, il se contente de regarder le vide lorsque les mots de son ami claquent contre son palais, faisant déjà naître dans son cœur une vague de regrets. de ces mots qui ont un effet dévastateur. il confie ses peines, le plus vieux, et sa langue pique, brûle, signalant qu'elle ne tardera pas à faire des ravages. alors les lèvres du gamin s’entrouvrent légèrement, avant de se renfermer. les mots deviennent muets dès qu'ils s'apprêtent à franchir la barrière de sa lippe. pour une fois qu'il pèse l'effet de ses pensées, et qu'il les redoute. lui qui les aurait normalement crié, qui se serait levé en serrant des poings sans crainte. ce soir, il a la trouille. celle d'affronter les conséquences de ses conneries. puis ça parle de promesses, encore. des fois, il pense que les leurs sont maudites, le gamin. parce qu'elles s'éteignent toujours, avant même que les auriculaires ne s'enlacent. « putain, lie'. c'est du n'importe quoi. t'es en train de me blâmer pour un truc qui s'est passé quand on était gamins. » il sait qu'il a tort, ils le savent tous les deux. parce que son regard est ancré dans le sol, et que ses joues prennent doucement une teinte rosée de gêne. « arrête de dire des conneries. je t'ai jamais abandonné. la preuve, je suis là, devant toi. jamais je n'oserai t'abandonner, encore moins pour ça. » un élan de faiblesse, une hypocrisie pure et dure, et un soupçon de jalousie. lui qui ressent à l'intérieur cette éternelle insatisfaction, cette douleur de n'avoir jamais osé être lui-même.

Cela le rend dingue, cette facilité qu’il a de tout simplement parvenir à l’irriter sans un mot, le chambouler en un souffle en délaissant les poils dressés sous son passage. Elijah le force à se créer des armures de plus en plus dures, à forger des armes toujours plus aiguisées et les insultes de moins en moins pures, exactes (( si seulement un jour les avaient-elles été )). Première réponse, sa patience se craquelle comme une faïence rouillée, dégarnie et sans vernis, des ongles plongent dans ses paumes et s’ils n’avaient pas été si courts, il se serait découpé. « C’était il y a trois ans. Je veux bien que ce soit quand tu étais gosse, mais tes mots blessent Moon. Et l’absence de ces mêmes également. » (( moon. )) Il le distancie de lui, ne l’appelle plus comme tel, il n’y a ni Eli ni Elijah. Seule la lune qui effeuille sa patience de ses paroles inconsidérées. Alors, parce que tout est précipité lorsque cela les concerne, il passe à ses côtés et cogne son épaule de la sienne en rentrant dans la maison. La paume large passe sur le faciès éreinté et toujours dos à lui il prononce, tonne comme un orage. « Tu les as laissés me cracher à la gueule, me harceler et m’humilier tout simplement parce que j’étais sorti avec un homme. » La voix ne tremble pas, ni sous la colère ni sous l’amertume et ce même goût lui semble presque familier lorsqu’il se tient encore droit et fier, qu’importe que les souvenirs le désarment. « J’avais perdu Anwar à l’époque, je venais de le quitter est-ce que tu as une idée d’à quel point c’était vexant de voir que même toi tu ne m’as pas défendu ? » Il avait espéré, tant attendu un mot de sa part, un geste, plutôt que de le voir clore les paupières et faire comme si rien ne s’était passé. « Tu es... » Un rire nerveux brise ses mots, il entremêle ses doigts à ses propres mèches. « ... comme eux finalement. » Paroles qu’il sait il ne devrait pas prononcer, mais dont il ne peut s’empêcher d’y murmurer jusqu’à la dernière ponctuation.

@Elijah Moon

un soupir de rage quitte ses lèvres, alors que ses mains viennent nerveusement décoiffer ses mèches, avant de retomber mollement le long de son corps. il y'a la crainte qui miroite derrière ses pupilles. la terreur que en tendant les mains vers lui, il s'évapore comme si il n'était qu'une chimère. il veut pas le perdre. et la peur n'a jamais semblé aussi réelle, n'a jamais été aussi criarde qu'en ce moment. lorsque les mots franchissent la barrière des lippes, et que la vérité éclate subitement, broyant sur son passage les cœurs des démunis. cette vérité amère qu'elijah cherchera toujours à contester, mais qui demeure si véridique. « si ça t'a blessé, pourquoi tu as décidé quand même de te lier d'amitié avec moi ? pourquoi tu as attendu trois ans, avant de venir me cracher à la gueule tout ça ? dis, ça faisait partie de tes plans ? de devenir mon allié, pour te venger plus facilement de moi ? merde, lieven, regarde-toi. si telles sont tes intentions, t'es pas moins connard que moi. » la hargne s'écoule avec la culpabilité ((refoulée)), et les désolés ne sont que des mots muets, fondus derrière les voix fortes qui s’entremêlent sans pitié. « ils t'ont humilié, ils t'ont piétiné. qu'aurais-tu voulu que je fasse putain ? que je te défende pour qu'on s'en prenne à moi, qu'on croit que j'suis pédé moi aussi ? » il ne se reconnaît plus dans ses mots, dans la violence qu'il crache d'entre les babines comme pour se prouver quelque chose. c'est la peur qui parle. « et il en aurait pensé quoi mon père, que je défende quelqu'un comme toi ? » (( et il en aurait pensé quoi de toi, elijah ? )) c'est la lâcheté qui hurle. il a été lâche, comme eux. lorsque les rires ont résonné de cruauté, que les lèvres ont souri, et que les paroles sinistres ont fait écho dans les couloirs. « non. » une perle amère roule avant de disparaître aussi vite qu'elle est apparue. il l'est.

Outrage à leur amitié ainsi transformée en mirage, celui qui de loin paraît si beau, mais une fois que l’on mettait le pied au centre des choses, la réalité de cette illusion laissait désarmé. Il blesse Lieven, blesse tout autant qu’il n’a pu être blessé. Tout autant qu’il n’a pu se mordre la lèvre inférieure, sans jamais rien rajouter, posant la faute sur l’éducation restrictive du cadet — au combien ce soit cette même qui détruise leur amitié. Puis, finalement, alors que les paroles pleuvent en hallebarde sur son front, alors que le silence est éventré par la jeunesse arrogante, l’expression d’une réelle tristesse peint son faciès. Telle était la raison première pour laquelle toute cette discussion avait pris tant de temps. Car la vérité, la réalité, ces mots, les siens lui feraient bien plus mal que n’importe quelle illusion forgée dans son esprit. En cet instant, quelque chose se craquelle quelque part, en lui, un rire nerveux ponctue les lèvres ourlées de désenchantement. (( c’était donc ça ?)) C’était celle-là la vérité qu’il est venu demander ? Celle qu’il a tant recherché, sans jamais soulever le problème ? Était-ce elle qui se cachait derrière les non-dits de leur amitié ? « Jamais je n’aurai fait ça. » Sa voix pour la première fois est si légère, si absente qu’elle irrite à peine sa gorge. Il clos ses paupières, car il n’est pas énervé Lieven, aucun moment la colère ne le traverse ; ce n’est que la tristesse qui guette, créant un étrange sentiment de flottement avec la réalité. « Je n’ai jamais rien dit parce que j’ai toujours mis ce fait sur la faute de ton éducation. Parce que j’ai choisi de préserver ce lien précaire que nous avons. Parce que les excuses que je pouvais tenter de te trouver, elles seraient toujours mieux que ce que j’allais écouter. » Les lèvres se referment, son expression redevient celle qu’elle a toujours été, dos à lui son faciès se modèle et arbore la neutralité. Comme si rien de tout cela ne l’avait atteint. Esquinté. (( mensonges. )) Puis finalement, alourdi par ces mots qui vont certainement déborder, déchiqueter ses propres lèvres pour sortir — espérer le libérer, il lui refait face à nouveau. « Et je n’avais pas tord de faire ça. J’aurai mille fois dû choisir ça que de t’entendre me balancer un pédé sur le visage comme si c’était la seule chose que tu avais retenu de moi en trois ans. » Le rire est forcé, nerveux, les phalanges ne se blanchissent pas en une quelconque hargne, il se masse l’arête du nez, tente de retrouver la patience essoufflée en quelques phrases seulement. Ça fait mal. Bon sang ça fait mal. Ça lui arrache la gueule comme jamais il n’aurait cru. Elijah n’avait pas le droit de l’abîmer ainsi. « Qu’a-t-il pensé du fait que tu as tourné le dos à quelqu’un qui avait besoin de toi ? C’est incroyable. Je... c’est vraiment risible. Il m’arrive parfois de me dire que je ne fais pas les bons choix te concernant et que parfois je te blesse. Mais moi, je n’aurai pas détourné le regard. Je t’aurai choisi. J’aurai choisi notre amitié en dépit de tout ça. Je t’aurai choisi qu’importe ta réputation. Parce que peu importait ce qu’ils auraient dit ou fait, l’important aurait été ton regard et ce que toi tu aurais pensé de moi. » L’index et le majeur frottent de manière compulsive la chaire glabelle, son sang se glace lorsque les pensées elles viennent, spontanées, que ses muscles eux-mêmes se mettent à trembler. Lieven agite une dernière fois la main devant lui, un geste visant à mettre fin à ce dialogue, à l’éloigner de lui. « C’est bon, ça suffit. J’ai eu mon compte. Nous n’avons pas la même manière d’aimer. Au revoir Moon. » Sous ses mots sa patience s’annihile, le regard ne veut plus rencontrer le sien, il le fuit, esquive le contact visuel. Le toucher est froid, il valse sur le côté en n’effleurant cette fois-ci pas son épaule en passant. C’était encore pire que ce qu’il avait pensé en venant.

@Elijah Moon

les mots s'entrechoquent et se nouent de fureur. cette fureur qui monte dans la poitrine, sous forme de flammes endiablées. un volcan qui vient irradier doucement la raison, qui broie les cœurs pour les rendre arides. l'affection s'est volatilisée, les mots chaleureux et fraternels ne sont que l'écho de leurs soirées lunaires à compter les étoiles dans le ciel. ce soir, il n'y a pas d'astres, juste les regards qui fulminent. les mots qui ébranlent les sentiments. la voix qui tremble de peur et d’incompréhension. damnation de l'âme maculée. un péché de plus qui entache un cœur tout sauf limpide. il pourrait prier jusqu'à l'aurore, tous ses mots resteront gravés dans sa mémoire comme une cire fraîche, un châtiment. il secoue la tête aux mots diffamants, comme si il refusait d'y croire. c'est trop bruyant à entendre, trop amer à avaler, trop difficile à supporter. et c'est là que la culpabilité vient l'étouffer pour de bon, que les regrets le noient sans s'arrêter. en cet instant, il aimerait figer le temps, voyager aux belles années insouciantes pour ouvrir les yeux sur le monde qui l'entoure. il aimerait serrer les phalanges, hausser le menton. se tenir droit et fier. faire claquer sa voix contre les rires pour le défendre, le protéger. être quelqu'un de bien. le plus malheureux, c'est que même si il avait eu cette chance là de faire tourner les aiguilles en arrière, il se serait tout de même tenu rigide, muet, sous l'emprise de ses propres peurs. il aurait voulu être un super-héro le gamin, mais il n'est qu'elijah, et c'est déjà un poids lourd à porter au quotidien. « arrête, c'est pas comme si tu m'as déjà considéré comme un véritable ami. la plupart du temps, tu te plains que je sois là. j'ai jamais été rien de plus qu'un poids pour toi, alors arrête de vouloir constamment te faire passer pour la victime, merde. » la voix est frêle, tremblotante. il n'y a plus que l'accablement qui parle. la douleur qui hurle des mots sans sens. les algarades n'ont jamais été aussi poignantes, pourtant, elles ont été nombreuses. maintenant, il est grand temps de déterrer les souvenirs. peut-être pour panser les blessures espérerait-il secrètement, mais elles semblent ne devenir que plus béantes encore. au final, les cauchemars se muent en réalité, les derniers mots s'évaporent douloureusement des lèvres. pardonne-moi, fuis-moi. la gorge demeure sèche, les mots muets. la porte claque, la tension retombe. « je suis désolé. » tic tac... les aiguilles recommencent à tourner.